<67>

Il serait de la dernière importance que le Roi Très Chrétien en voyât un général comme le prince de Conty, pour commander en Bavière, avec des ordres positifs d'agir vigoureusement et sans attendre des ordres ultérieurs de sa cour, lorsque l'occasion s'en présente. Si l'on prend un autre parti dans cette guerre, le roi de France réduira ses alliés à la nécessité de s'en tirer; car il faut à ceci une fin prompte et qui puisse mener les choses à quelque décision avant l'élection impériale. H est à souhaiter que la France mette du nerf tant dans ses résolutions du cabinet que dans l'exécution militaire, et que l'on revienne une fois de l'idée erronée de traîner des campagnes languissantes et d'employer des ménagements, lorsqu'on doit user de force.

On a fait de grandes fautes jusques au moment présent, mais j'ose dire que toutes celles que l'on pourra faire dès ce moment-ci, seront irréparables. Ce sera donc l'activité du ministère français dans ses négociations, la fermeté de ses résolutions, le choix de généraux habiles et la vigueur des opérations qui décideront du sort de l'Europe.

Federic.

Eigenhändig.


1739. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION COMTE DE PODEWILS A LA HAYE.

Berlin, 28 février 1745.

J'ai reçu votre dépêche du 21 de ce mois, touchant l'entretien que vous avez eu avec milord Chesterfield. Mais je vous avoue que je n'ai guère eu lieu d'être édifié des discours que ce ministre vous a tenus, et qui sont diamétralement opposés à sa façon de penser avant qu'il soit rentré dans le ministère.

Mon intention est donc que vous tâchiez sans délai de trouver une occasion favorable pour lui faire entendre, quoiqu'avec toute la politesse imaginable, que je le prie de remarquer une chose: c'est que jamais des nœuds d'amitié ne peuvent être solides entre deux princes, si leurs intérêts ne servent de base; qu'il n'y a pas d'autres engagements entre de grandes puissances que ceux de cette nature; qu'à la vérité il y a des situations violentes en politique, où souvent des intérêts assez opposés d'alliés se soutiennent pendant un temps, mais ces situations ne sont que momentanées, et les véritables intérêts des princes qui servent de règle à leur conduite, les entraînent tôt ou tard et les ramènent à leurs véritables principes.

J'avoue qu'on doit excepter de cette règle générale de certains princes qui, s'abandonnant entièrement aux lumières de leurs ministres, se laissent pour la plupart du temps gouverner par des guides corrompus; et comme il s'agit ici des alliances que des hommes fondés sur des principes raisonnables peuvent contracter avec d'autres, et non pas des actions d'automates, il faut établir des principes qui réunissent les