1727. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Potsdam, 15 février 1745.

La relation que vous m'avez faite en date du 5 de ce mois, m'a été bien rendue et me donne d'autant plus de satisfaction que j'y ai vu que la plus grande partie de la nation anglaise entre assez dans ma façon de penser sur les démarches du ministère précédent de l'Angleterre. Comme les dépêches que je vous ai faites jusqu'ici vous auront mis assez en état de vous expliquer, là où il conviendra, sur ma manière de penser sur les conjonctures présentes, je ne doute nullement que vous n'en ferez un bon usage; aussi mon intention est que vous devez dire tout au long au lord Harrington tout ce que j'ai écrit au comte de Podewils à la Haye dans la dépêche que je lui ai faite et dont je vous ai envoyé la copie. Vous y ajouterez encore que, du temps que j'avais fait mon traité de Breslau avec la reine de Hongrie sous la garantie de l'Angleterre, l'Empereur défunt était encore dans la possession plénière de ses États héréditaires, et que je n'avais jamais pu m'imaginer qu'on voulait l'en priver; mais comme peu après, la reine de Hongrie s'était avisée d'attaquer l'Empereur dans ses possessions et de l'en chasser, j'avais d'abord fait mes représentations, tant à la cour de Vienne qu'au roi d'Angleterre, que malgré la paix que je venais de conclure avec la<52> reine de Hongrie, je ne pourrais jamais souffrir comme électeur du Saint-Empire qu'on chassât l'Empereur de ses États héréditaires, et bien que j'étais fermement résolu de remplir religieusement les engagements auxquels je m'étais obligé par la paix de Breslau, néanmoins les obligations antérieures dans lesquelles j'étais envers un empereur et envers l'Empire, étaient si fortes que jamais je ne pourrais voir tranquillement fouler aux pieds l'autorité impériale, ni dépouiller entièrement l'Empereur de ses États héréditaires; que je ne me mêlerais point des différends que la reine de Hongrie avait avec l'Empereur par rapport à la succession d'Autriche, ni des querelles qu'elle avait avec d'autres puissances, et que je verrais même tranquillement si elle pouvait gagner des avantages sur ceux-ci, mais qu'il était diamétralement contre mon honneur et contre ce que je devais à l'Empire, si je permettais de fouler un Empereur que moi avec tous les électeurs de l'Empire avaient unanimement et légitimement élu; qu'on devrait me passer Cet article et que je leur passerais tout le reste. Que toutes ces représentations, si modérées et si équitables, avaient été en vain, et que, sans y avoir le moindre égard, et nonobstant les assurances les plus fortes que le lord Carteret m'avait réitérativement faites qu'on n'en voudrait point ni à la dignité de l'Empereur ni à ses États héréditaires, l'on avait néanmoins poursuivi à envahir ces États et à traiter l'Empereur avec la dernière indignité; que j'avais encore demandé et représenté, dans ce temps-là, qu'on ne devait point pousser les choses à l'outrance contre l'Empereur, ni m'obliger malgré moi à prendre des mesures plus sérieuses pour le soutien de l'Empire et de la dignité de l'Empereur. J'avais toujours continué cette voie des représentations, sans me remuer autrement, aussi longtemps qu'il y avait eu la moindre espérance qu'on pourrait revenir à penser raisonnablement pour venir à la fin à une paix avec l'Empereur; mais que malgré cela les affaires s'empiraient de plus en plus, de manière que la reine de Hongrie avait non seulement chassé les troupes impériales, alors neutres, du territoire de l'Empire et les avait obligées à se réfugier sur celui de la France, mais qu'outre cela ladite Reine avait contraint les états de Bavière à lui prêter hommage comme des sujets d'un pays conquis qui ne devait jamais revenir à son souverain légitime; que c'avait été alors que j'avais perdu patience et que je m'étais vu forcé à entrer dans l'union de Francfort et de prendre les engagements que j'ai pris uniquement pour sauver l'Empereur et l'Empire; que j'avais assez détaillé tout cela dans les motifs que j'ai fait publier alors52-1 des raisons que j'ai eues pour donner des troupes auxiliaires à l'Empereur. Aussi ne ferez-vous pas mal d'en faire ressouvenir le lord Harrington et lui présenter encore — si vous le croyez nécessaire — un exemplaire de ces motifs.

Vous ajouterez encore que, si même l'Empereur et ses alliés m'avaient fait envisager alors des avantages assez considérables pour la démarche<53> que je devrais faire en faveur de l'Empereur, que cela n'avait jamais fait impression sur moi, et que, si j'étais entré depuis avec mon armée dans la Bohême, mon intention n'avait point été de mettre tout-à-fait à bas la reine de Hongrie, mais de lui faire plutôt une puissante diversion, afin de donner par. là le temps et l'occasion à l'Empereur de rentrer dans ses possessions et de récupérer ses États héréditaires, comme l'événement l'avait fait assez voir.

Vous détaillerez tout cela au lord Harrington et tâcherez par votre dextérité de le convaincre de la sincérité de mes intentions, et de le mener au point où je le désire d'avoir, selon les instructions antérieures que je vous ai données. Vous m'en ferez votre rapport circonstancié, au plus tôt possible, et l'adresserez au comte de Podewils à la Haye, en l'avertissant qu'il ait à m'envoyer votre relation sans la moindre perte du temps par une estafette. Et sur cela, je prie Dieu etc.

Ménagez mon temps qui est court, et si vous faites bien mes affaires et qu'en même temps vous y apportiez la célérité plus nécessaire à présent que jamais pour me tirer du suspens dans un temps de crise, vous aurez lieu d'être content de moi.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.



52-1 Bd. III, 242.