1854. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

[Camenz], ce 22 [mai 1745].

Mon cher Podewils. J'ai eu le temps de réfléchir depuis hier sur la bataille de Leuze.173-1 Je trouve que cet événement nous est sans doute avantageux : 1° puisqu'il donnera des sentiments pacifiques aux Hollandais; 2° puisqu'il peut enfin ouvrir les yeux des Anglais sur leurs véritables intérêts; 3° puisque toutes ces puissances seront obligées de convenir que, tant que je suis uni avec la France, quoi qu'ils puissent faire, nous aurons toujours la supériorité d'un côté, et que par rapport à ce principe leur fierté s'adoucira envers moi.

Mais il n'est point apparent que cette bataille nous fasse une diversion considérable. Les Hollandais crieront miséricorde, on tirera de l'armée du duc d'Aremberg quelques troupes, qui seront peut-être remplacées par les Saxons bohémiens, et ceux-là par une partie des troupes du comte de Batthyany. Indépendamment de tout cela, cet événement me flatte, m'encourage et me donne l'espérance de trouver cette année ici la fortune plus propice que par la passée. Les ennemis font des mouvements, mais ce n'est encore rien d'assez marqué pour<174> que l'on puisse pénétrer dans leurs desseins; en attendant, la foudre repose dans nos mains, et, quoi qu'ils puissent entreprendre, nous sommes si bien préparés qu'aucun malheur ne nous saurait arriver, à moins de ces coups de la Providence contre lesquels l'humain entendement ne peut rien.

Valory, au lieu de m'annoncer la retraite de l'armée du prince de Conty, m'a appris la victoire de celle du comte de Saxe. Voilà comme peuvent s'aveugler des gens pétris d'envie et de fureur qui n'ont des sentiments que ceux que Plutus ou les furies d'enfer leur inspirent. Que Monsieur Tschernyschew ne se mêle donc plus de conjecturer, car il y réussit très mal. Ah I puissions-nous avoir un jour comme le onze de mai, alors tous nos infâmes envieux, tous nos voisins perfides changeraient bientôt de langage, et la paix en deviendrait pour nous et plus glorieuse et plus sûre. Adieu, je suis avec toute l'estime votre fidèle ami

Federic.

Nach der Ausfertigung:. Eigenhändîg.



173-1 Fontenoy.