1872. AN DEN GENERALFELDMARSCHALL FÜRST VON ANHALT-DESSAU IN DESSAU.

Lager bei Bolkenhain, 6. Juni 1745.

Durchlauchtigster Fürst, freundlich geliebter Vetter. Da Ich ehegestern noch nicht im Stande war Ew. Liebden eine ausführliche Nachricht der selbigen Tages vorgefallenen Action und des erhaltenen Sieges zu geben, so habe Ew. Liebden nunmehro hierbei eine fidele Relation davon zusenden wollen, aus welcher Dieselben zu ersehen belieben werden, dass Unsere Victoire Gott Lob eine der completesten ist, dergleichen seit der fameusen Bataille von Höchstädt nicht gewesen. Die<183> gefangene österreichsche Generals seind Berlichingen, Saint-Ignon und der alte Forgäch, und von den Sachsen der General Schlichting; ausser dem General Thüngen sind von den Oesterreichern noch drei Generals geblieben, und sechs derselben sollen tödtlich blessiret sein. Es werden stündlich mehrere Gefangene eingebracht, und da Ich selbst mit der Armee den Feind verfolge und sehen werde, was demnächst weiter zu thun ist, so werde alsdann und mit nächstem Ew. Liebden schreiben und bekannt machen, was Dieselbe Dero Ortes zu thun haben werden. Ich bin Ew. Liebden freundwilliger Vetter

Friderich.

Relation de la campagne du Roi en Silésie.

Sa Majesté a été informée que le dessein des Autrichiens et des Saxons était d'entrer en Silésie à la fin du mois de mai. Elle prit tous les arrangements pour ses subsistances, de façon que l'armée n'en pût manquer sur toute l'étendue des frontières de Bohême. Elle retira au milieu de mai ses troupes de la Haute-Silésie, hors la garnison de Jägerndorf, qui servit pour couvrir les quartiers, tant qu'Elle voulait les garder. Lorsqu'Elle fut informée que l'armée autrichienne s'assemblait à Königgrätz et que le duc de Weissenfels était parti de Dresde pour la joindre avec ses Saxons, Elle donna ordre au margrave Charles, qui commandait en Haute-Silésie, de retirer les troupes des quartiers de Jägerndorf et de La venir joindre au camp de Frankenstein, dans lequel nous entrâmes le 27 de mai. Le Margrave battit dans sa marche les Autrichiens,183-1 défit les régiments d'Ogilvy et d'Esterhazy-Infanterie et les dragons de Saxe-Gotha. Les Autrichiens y perdirent 2,000 morts et blessés et deux drapeaux; après quoi Son Altesse Royale poursuivit sa marche et joignit l'armée du Roi le 28 au soir. Le 29, l'on fit jour de repos, et sur la nouvelle que le Roi reçut du lieutenant-général du Moulin que les Autrichiens étaient avancés jusqu'à Landshut, Sa Majesté prit le camp de Reichenbach, et de là Elle écrivit au général du Moulin, qui était à Schweidnitz, qu'il devait faire toutes les dispositions nécessaires pour faire accroire aux ennemis que le dessein du Roi était de se retirer à Breslau à l'approche de l'ennemi. Ceci réussit si bien que les Autrichiens et Saxons, imbus de préjugés ridicules et déshonorants pour la nation prussienne, y ajoutèrent foi.

A l'approche des ennemis du camp de Hohenhennersdorf, le Roi marcha sans bruit entre Schweidnitz et Striegau. L'avant-garde du général du Moulin marcha sur les hauteurs de Striegau. Le général Nassau occupa un bois qui était entre deux, avec un autre détachement. Tous ces corps et l'armée se campèrent derrière les hauteurs, où l'on ne pouvait les apercevoir ; il était défendu de battre au champ et de donner aucun signe de vie, le général major Winterfeldt avait même ordre de<184> n'envoyer que de petits partis de hussards et de les obliger à se retirer à la première approche des ennemis ; le tout pour entretenir leur sécurité. Le 31 de mai et les 1er, 2 et 3 de juin furent employés par le Roi à reconnaître tous les terrains par où l'ennemi pouvait déboucher, l'intention de Sa Majesté ayant été dès le commencement à ne point s'amuser à défendre une chaîne de montagnes de seize milles d'Allemagne de longueur, mais de bien recevoir l'ennemi au déboucher. Le 3, Sa Majesté se porta, le matin, sur les hauteurs du camp du général du Moulin. Elle remarqua que beaucoup de cavalerie de l'ennemi avait déjà débouché l'après-midi; Elle vit que l'ennemi s'avançait avec de grosses colonnes de cavalerie et d'infanterie dans la plaine de Friedberg et de Rohnstock; sur quoi, Elle ordonna à l'armée de marcher, le soir à huit heures, jusqu'à Striegau, et au général du Moulin de se poster avec ses 40 escadrons et 7 bataillons de l'autre côté de Striegau sur des monticules voisins. Les ordres furent bien exécutés, l'armée arriva, sans bruit et sans faire des feux, à minuit aux postes qui lui étaient assignés.

Le 4, à deux heures du matin, le Roi assembla tous les principaux officiers de l'armée et fit la disposition de la bataille.

A deux heures et demie, l'armée se mit en marche pour attaquer l'ennemi, marchant par lignes et défilant par la droite. Le Roi n'eut pas passé le défilé du ruisseau, que le général du Moulin le fit avertir qu'il voyait sur le flanc de l'armée quelques bataillons postés sur une hauteur auprès d'un moulin à vent ; il donna en même temps une grande marque de sa capacité, en occupant d'abord une hauteur qui était visà-vis de l'autre.

Auprès de ces 7 bataillons se forma la droite de notre cavalerie, et le maréchal de Buddenbrock et le lieutenant-général de Rothenburg y firent la plus belle manœuvre de guerre que l'on puisse faire, en postant la cavalerie très avantageusement; un petit bois était à la gauche de cette cavalerie, que le prince Thierry d'Anhalt occupa d'abord avec trois bataillons de grenadiers. Le Roi forma son infanterie, joignant ce bois et tirant vers la gauche, mais le terrain ne lui permit pas de mettre du commencement plus de 15 bataillons des 32 qu'il avait dans la première ligne, en bataille. H découvrit en même temps que les Autrichiens se formaient vis-à-vis de lui et que leur cavalerie avançait effectivement. Il fit presser le général Nassau d'arriver au plus tôt avec l'aile gauche de la cavalerie sur un pré qui aboutissait à un ruisseau où il forma l'extrémité de la gauche. En même temps, M- de Kalckstein, général d'infanterie et qui commandait la seconde ligne, fit avancer quelques bataillons pour renforcer le général du Moulin; sur quoi, le prince Léopold attaqua l'infanterie saxonne dans un bois marécageux et y fit des prodiges de valeur. Le bataillon des grenadiers des gardes, commandé par le lieutenant-colonel de Wedell, chassa l'ennemi de ses marais à coups de bayonnette et sans tirer un coup — c'est ce<185> même officier qui arrêta, l'année passée, toute l'armée autrichienne plus de trois heures à son passage de l'Elbe à Selmitz. Le lieutenant-colonel de Buddenbroek y fit des merveilles, l'attaque de la cavalerie de la droite succéda à celle de l'infanterie, et toute l'aile gauche des ennemis fut chassée presque en même temps. Les Saxons firent un triangle d'infanterie pour se retirer, mais le lieutenant-général Rothenburg avec le régiment de cuirassiers du prince de Prusse tailla tout le régiment de Schönberg en pièces, le lieutenant-colonel de Jasinski des gardes du corps et le major Froideville massacrèrent deux compagnies des grenadiers saxons, le triangle fut rompu, et tous les Saxons totalement battus.

Toute cette aile fut défaite, avant que l'aile gauche commençât à charger les Autrichiens. Le prince de Prusse et le margrave Charles conduisirent cette attaque avec tant de vigueur que les Autrichiens plièrent partout; le régiment des gardes s'y distingua beaucoup et chassa, la bayonnette au bout du fusil, les grenadiers autrichiens qui s'étaient postés dans un fossé vis-à-vis d'eux. Les régiments de Hacke et du prince de Brunswick-Bevern y firent des prodiges. Pendant toutes ces attaques, le Roi fit faire un quart de conversion à toute sa droite, qui fut obligée de passer des marais et des fossés impraticables, pour prendre les Autrichiens dans le flanc. On attaqua et prit, en faisant cette manœuvre, un village que l'ennemi avait garni d'infanterie, et la cavalerie de la droite, après avoir choqué huit fois, dissipa tout ce qu'il y avait d'ennemis de ce côté-là et vint rejoindre la droite qui allait tomber sur le flanc des Autrichiens; la gauche avançait en attendant et avait trois fois déposté l'infanterie autrichienne. La cavalerie de la gauche, dont il n'y avait eu que 10 escadrons de formés, fut d'abord menée par le général Kyau à la charge, qui culbuta tout ce qu'il trouva devant lui. Dès que le général Nassau eut formé 15 autres escadrons, il s'aperçut que les ennemis se mettaient en potence pour le prendre en flanc. B tira 6 escadrons de la seconde ligne pour les leur opposer, et, cette disposition faite, il les chargea si vivement que tout plia devant lui. L ennemi se rallia, et ces escadrons chargèrent jusqu'à six fois avant que d'obliger totalement l'ennemi à prendre la fuite. A ces charges, le général Rochow, le prince Schönaich, le colonel de Marschall et une infinité d'officiers se distinguèrent.

Le régiment de Baireuth, qui faisait la réserve, voyant que l'infanterie de l'ennemi continuait toujours ses charges, fut mené par le lieutenant-général de Gessler et le général Schmettau, notre infanterie les laissa passer par un intervalle, et ils chargèrent si vigoureusement cette infanterie, qu'ils hachèrent en pièces les six régiments de Marschall, de Grünne, de Thüngen, de Daun, de Kolowrat et de Wurmbrand, avec une troupe de grenadiers, et, en rapportant 66 drapeaux, firent de ce côté-là 2,500 prisonniers; action inouïe dans l'histoire et dont le succès est dû aux généraux Gessler et Schmettau, au colonel<186> Schwerin, et au brave major Chasot dont la valeur et la conduite se sont fait connaître dans trois batailles également.

Toute l'armée se mit à la poursuite de l'armée ennemie, et on ne s'arrêta qu'aux gorges des montagnes. Le massacre a été prodigieux de tous les côtés. Les ennemis firent trois retraites, les Saxons par Seifersdorff, la droite des Autrichiens par Friedberg, et le corps de bataille par les gorges de Kauder. Il faut avouer à la louange des Autrichiens que leurs dispositions pour la retraite furent si belles qu'on ne put les entamer d'abord.

Les officiers de nos troupes qui se sont le plus distingués, sont le prince de Prusse et le prince Henri, frères du Roi, le margrave Charles, le prince Léopold, le prince Thierry, le maréchal Buddenbrock, qui malgré son grand âge a eu l'activité d'un jeune homme, les lieutenantsgénéraux Gessler, Nassau, Rothenburg, Posadowski, et les généraux majors prince Maurice d'Anhalt, Rochow, Bredow, Polentz, le prince Ferdinand de Brunswick, le prince de Bevern, Kyau, Schwerin, Goltz, Zieten; en un mot, il faut nommer tous, car pendant la bataille, qui dura quatre heures, il n'y a pas eu un corps de nos troupes qui eût plié.

Les trophées de la bataille qui nous restent sont 66 canons, 6 obus, 76 drapeaux, 8 paires de timbales, 7 étendards, 4 généraux prisonniers, près de 200 officiers, et au delà de 7,000 hommes.

Les Autrichiens et les Saxons ont eu 4,000 morts, et, vu les déserteurs qui nous viennent, on peut juger leur perte à 20,000 hommes sans se tromper.

La perte des Prussiens va entre morts et blessés à r,600 hommes. Le général comte Truchses, les colonels Massow, Kahlbutz, le brave lieutenant-colonel Düring, le lieutenant-colonel Bertickow sont morts, environ huit capitaines, deux majors et vingt subalternes. Les généraux Stille et Bornstedt sont légèrement blessés à la main, le colonel Schwerin des gardes, le lieutenant-colonel Buddenbrock blessés, et une vingtaine d'officiers. En un mot, si les troupes saxonnes avaient été aussi aguerries que les Autrichiens, la bataille aurait été balancée beaucoup plus longtemps, mais malgré la valeur et la bonne disposition du duc de Weissenfels, il ne put porter poipt de remède à la confusion des troupes.

Le Roi poursuit encore les ennemis; le général du Moulin, qui a l'avant-garde, les talonne avec 20,000 hommes, et l'année les suit de près.

On donnera les circonstances ultérieures avec toute la simplicité possible et selon que les événements arriveront. Ce qu'il y a de sûr, c'est que la bataille de Friedberg est une des plus grandes actions qu'il y ait eu, puisque tous les corps ont combattu, et qu'il n'y en ait aucun qui n'ait pas chargé.


Das Schreiben nach der Ausfertigung im Herzogl. Archiv zu Zerbst. Die Relation nach Abschrift der Cabinetskanzlei.

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183-1 22. Mai. Vergl. S. 175.