1993. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Camp de Staudenz, 23 septembre 1745.

Je viens de recevoir la relation que vous m'avez faite le 6 de ce mois. Bien que j'aie lieu d'être content des assurances que le lord Harrington vous a données pendant son séjour à la Haye, de même que de celles du grand-pensionnaire de Hollande, néanmoins les manœuvres de guerre que les Autrichiens continuent ici tout comme avant, me font augurer que la reine de Hongrie est encore bien éloignée à se prêter aux conditions dont on est convenu à Hanovre. Selon l'article 12 de la convention d'Hanovre, toutes les hostilités devaient cesser dès que la signature des préliminaires serait faite, et le roi d'Angleterre s'est engagé formellement de presser la cour de Vienne d'envoyer incessamment des ordres au prince Charles de Lorraine de faire cesser les hostilités en Bohême et en Silésie, tout comme je me suis engagé de mon côté de donner des ordres pareils à mes troupes de ne plus agir hostilement tant en Bohême qu'en Saxe. Pour convaincre le roi d'Angleterre de la droiture de mes intentions, j'ai d'abord fait faire halte au prince d'Anhalt, qui était sur le point d'entrer avec les troupes sous ses ordres en Saxe ; j'ai même commencé de faire cesser sous main les hostilités en Bohême; mais lorsque j'ai fait sonder convenablement le prince Charles de Lorraine s'il avait reçu des ordres de sa cour sur ce sujet-là, celui-ci a répondu net qu'il n'avait point reçu des ordres de sa cour qui l'empêchaient de continuer ses opérations. Aussi les Autrichiens ont-ils guerroyé ici sans discontinuation et même plus vivement qu'ils n'ont fait auparavant, quoique cela ait traîné toujours à leur propre dam, et qu'ils aient été bien frottés aussi souvent qu'ils ont tenté quelque chose contre nous. Outre cela, je viens d'apprendre que le comte de Rosenberg, ministre de la reine de Hongrie à Pétersbourg, et qui d'ailleurs a toujours paru assez instruit des sentiments de sa cour, doit avoir dit publiquement, il y a peu de semaines, qu'il n'y avait plus de milieu, qu'il fallait ou que la maison de Prusse ou celle d'Autriche périsse. Tout cela, dis-je, me fait entrevoir assez clairement que, si le roi d'Angleterre a fait des préliminaires d'une paix entre moi et la reine<284> de Hongrie, la cour de Vienne n'est nullement encline de s'y prêter, et comme d'ailleurs le terme de six semaines, stipulé dans la convention d'Hanovre, où le traité de paix doit être dressé, ira bientôt à sa fin, ma volonté est que vous deviez vous expliquer sur toutes ces circonstances-là, bien que d'une manière polie et amiable, avec le lord Harrington, et lui demander une réponse bien catégorique sur les points suivants :

1° Ce que la cour de Vienne a répondu au roi d'Angleterre, lorsqu'on a fait à celle-là les ouvertures de la convention signée à Hanovre;

2° Comme Sa Majesté Britannique, selon que le lord Harrington vous positivement assure, s'est fait fort de faire consentir la cour de Vienne aux préliminaires réglés, vous demanderez au lord Harrington de quels moyens efficaces Sa Majesté Britannique se servira pour réaliser sa promesse, en cas que la cour de Vienne s'obstine à ne point vouloir acquiescer aux préliminaires réglés, et si, ce cas posé, le roi d'Angleterre et les États-Généraux n'obligeraient pas les cours de Vienne et de Dresde à l'acceptation des préliminaires, en leur donnant à entendre que, si les deux cours, contre toute rime et raison, ne voulaient point se prêter à l'accommodement proposé, on ne leur payerait plus les subsides qu'elles ont tirés jusqu'ici de l'Angleterre et de la Hollande;

3° La gloire, la religion et l'honneur de Sa Majesté Britannique étant trop intéressés pour remplir les engagements qu'on a pris par la convention d'Hanovre, je me flatte que Sa Majesté tiendra fort et ferme sur les conditions y contenues, sans vouloir jamais permettre qu'on y fasse le moindre changement;

4° Je me flatte d'ailleurs que, si les cours de Vienne et de Dresde s'opiniâtraient à ne vouloir point se prêter à cet accommodement, l'Angleterre voudra bien alors remplir la garantie qu'elle en a faite par son accession au traité de Breslau, d'autant plus que le lord Harrington vient de me renouveler cette garantie par la convention d'Hanovre; article sur lequel vous ne manquerez pas de bien sonder le lord Harrington, pour en tirer une réponse catégorique.

Au reste, comme le terme de quatre semaines dont on est convenu dans les préUminaires pour l'échange des ratifications, sera passé lorsque cette dépêche vous parviendra, j'attends avec bien de l'impatience vos nouvelles sur cet échange; car si contre toute mon attente Sa Majesté Britannique avait différé sa ratification, je ne saurais regarder alors cette démarche que comme une marque certaine qu'on n'avait eu d'autre intention par toute cette négociation que de me duper, d'en imposer aux Hollandais, pour que ceux-ci ne se séparent pas des Anglais, et de m'amuser, pour donner le temps aux Saxons de se mettre d'autant plus en état d'opérer contre moi, ce que j'ai pourtant de la peine à me persuader encore.

Vous ne manquerez pas de me faire sur tous ces points, le plus tôt possible, une relation bien fidèle, exacte et détailée, que vous<285> m'enverrez par une estafette ou un courrier, afin que je puisse par là être en état de prendre mes mesures, d'une manière ou d'autre. Sur quoi, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.