2125. AU ROI DE FRANCE A VERSAILLES.389-1

Dresde, 25 décembre 1745.

Monsieur mon Frère. Je m'attendais à des secours réels de la part de Votre Majesté, après la lettre que je Lui avais écrite de Berlin en date du mois de novembre.389-2 Je n'entre point dans les raisons qu'Elle peut avoir d'abandonner ainsi Ses alliés à leur propre fortune; cela fait que je sens doublement le bonheur que j'ai de m'être tiré d'un pas très scabreux par la valeur de mes troupes; si j'avais été malheureux, Votre Majesté Se serait contentée de me plaindre, et j'aurais été sans ressources.

Comment une alliance peut-elle subsister, dès que les deux parties ne veulent pas concourir efficacement à leur conservation? Votre Majesté veut que je prenne conseil de mon esprit:389-3 je le fais puisqu'Elle<390> le veut, et il me dicte de mettre promptement fin à une guerre qui, n'ayant point d'objet depuis la mort du défunt Empereur, ne cause qu'une effusion de sang inutile; il me dit qu'il est temps de penser à ma propre sûreté, qu'une armée nombreuse de Moscovites menace mes États du côté de la Courlande, que l'armée de M. de Traun pourrait fort bien refluer contre la Saxe, que la fortune est changeante, et qu'après tout je n'ai des secours d'aucune espèce à attendre de mes alliés.

Les Autrichiens et les Saxons ont envoyé ici des ministres pour négocier la paix, et, après la lettre que je viens de recevoir de Votre Majesté, il n'y a plus qu'à signer. Après m'être acquitté de ce que je dois à l'État et à ma propre sûreté, aucun objet ne me tiendra plus à cœur que de pouvoir être de quelque utilité à Votre Majesté. Puisséje être assez heureux que de servir d'instrument à la pacification générale Votre Majesté ne pourra jamais confier Ses intérêts à personne qui ait plus d'attachement pour Elle que moi, ni qui travaille avec plus de zèle pour concilier les esprits et pour trouver des tempéraments pour accorder tant d'intérêts différents qui ont fait la grande pierre d'achoppement jusqu'à présent. Je La prie de me conserver Son amitié, qui me sera toujours précieuse, et d'être persuadée que je suis avec les sentiments les plus distingués, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Nach der Ausfertigung im Dépôt des affaires étrangères zu Paris. Eigenhändig,



389-1 Antwort auf ein Schreiben König Ludwigs vom 6. December, gedruckt nach dem Concepte bei E. Zevort, Le marquis d'Argenson et le ministère des affaires étrangères, Paris 1880, S. 370. Valory berichtet am 1. Januar 1746 an d'Argenson (Zevort, S. 166), König Friedrich habe gesagt: „Ma paix est faite, mais si elle ne l'était pas, cette lettre m'y déterminerait sur-le-champ.“

389-2 S. 339.

389-3 Die Worte König Ludwigs lauten: „Qui est plus capable que Votre Majesté de se donner de bons conseils à Elle-même? Elle n'a qu'à suivre ce que Lui dictera Son esprit“ etc.