<202> sacrifie tout aux actions brillantes et aux choses singulières qui ont de l'éclat. A vingt ans, Boileau estimait Voiture; à trente ans, il lui préférait Horace.

Dans les premières années que je pris le commandement de mes troupes, j'étais pour les pointes; mais tant d'événements que j'ai vus arriver, auxquels même j'ai eu part, m'en ont détaché. Ce sont ces pointes qui m'ont fait manquer ma campagne de 1744; et c'est pour avoir mal assuré la position de leurs armées que les Français et les Espagnols ont enfin été réduits à abandonner l'Italie.

J'ai suivi pas à pas votre campagne de Flandre, et, sans que j'aie eu assez de présomption pour me fier à mon jugement, je crois que la critique la plus sévère ne peut y trouver prise.

Le grand art de la guerre est de prévenir tous les événements, et le grand art du général est d'avoir préparé d'avance toutes les ressources, pour n'être point embarrassé de son parti lorsque le moment décisif est venu. Et plus les troupes sont bonnes, bien disciplinées et bien composées, moins il y a d'art à les conduire; comme c'est à surmonter les difficultés que s'acquiert la gloire, il est sûr que celui qui en a le plus à vaincre, doit aussi avoir une plus grande part à l'honneur.

On fera toujours de Fabius un Annibal; mais je ne crois pas qu'un Annibal soit capable de suivre la conduite de Fabius.

Je vous félicite de tout mon cœur sur la belle campagne que vous venez de finir; je ne doute pas que les succès de votre campagne prochaine ne soient dignes des deux précédentes. Vous prévenez les événements avec trop de prudence pour que les suites ne doivent pas y répondre. Le chapitre des événements est vaste; mais la prévoyance et l'habileté peuvent corriger la fortune.

Je suis avec bien de l'estime votre affectionné ami

Federic.

Nach dem Abdruck in den Lettres et mémoires choisis parmi les papiers origipaux du maréchal de Saxe, Paris 1794, III, 240.


2362. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

[octobre 1746].

J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite en date du 23 du septembre passé, et les réponses que vous avez faites aux insinuations du marquis d'Argenson, ont été parfaitement conformes à ma façon de penser. Vous devez remercier ce ministre des assurances du parfait concert avec lequel les ministres de France à Varsovie doivent agir avec mon ministre que j'y ai, et des autres confidences qu'il m'a fait faire par vous. Quant à la bonne intelligence que le marquis d'Argenson souhaite être remise entre moi et la cour de Dresde, vous devez lui insinuer que je me dormais actuellement toute la peine possible à cet égard-là, puisque je comprenais moi-même qu'il était de mon intérêt de