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2511. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Berlin, 31 janvier 1747.

J'ai bien reçu la dépêche que vous m'avez faite le 16 de ce mois. Je suis d'opinion que la France n'a pas perdu grande chose au marquis d'Argenson; au moins je ne saurais pas me l'imaginer autrement, et je l'ai toujours pris pour un homme au-dessous du médiocre qui ne ferait jamais ni grand bien ni grand mal, et de ces sortes d'esprit faibles que, quand ils prennent des préjugés, il n'y a moyen d'en faire revenir, et qui par là deviennent si incertains dans leurs résolutions qu'ils font le plus grand tort aux affaires par leur indécision. Vous-même, vous vous souviendrez combien peu, pendant son ministère, l'on m'a ménagé de la part de la France, dans les occasions où l'on a eu le plus besoin de moi, qu'on m'a toujours choqué par la prédilection marquée qu'on a eue pour les Saxons, et par le peu d'égard qu'on m'a témoigné dans cent occasions différentes, par exemple : les vaisseaux marchands de mas sujets qui avaient été pris par les Ostindois; la même liberté de commerce que mes sujets ont recherchée comme les marchands de Hambourg et d'autres villes hanséatiques en jouissent en France; la manière despotique dont la France a voulu disposer de moi en cent occasions, lorsqu'on voulait que je dusse me prêter aveuglément aux choses qui convenaient aux Français; la fausseté indigne avec laquelle on m'a manqué à tous les articles de notre traité, et cent mille désagréments qu'on m'a données en toute sorte d'occasions.

Tout cela me fait croire que l'on ne vaut en France que ce qu'on se fait valoir, et que les Saxons ne s'y sont fait considérer que par leurs fanfaronnades, ainsi que je serais porté de croire que, si vous faisiez un peu plus le fier et le renchéri, ce serait un moyen de me faire rechercher davantage, et qu'on eût pour moi les mêmes égards qu'on a pour la Saxe et pour les autres puissances. Je soumets cependant ces idées à votre pénetration et votre prudence, puisque vous, qui êtes sur les lieux, sauriez toujours juger mieux que moi qui n'y ai jamais été, si les choses sont comme je les regarde, ou si je me trompe dans mes conjectures.

Federic.

Nach dem Concept.


2512. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Berlin, 31 janvier 1747.

Je viens de rècevoii à la fois vos relations des 3, 6, 10 et 13 de ce mois. Il m'a été fort agréable d'y voir les bonnes dispositions où est milord Chesterfield à mon égard, et comme je m'en persuade toutà-fait, vu les grandes lumières de ce ministre et sa façon de penser noble et solide sur les vrais intérêts de la Grande-Bretagne, vous devez vous occuper principalement à cultiver ses dispositions et ses sentiments par tout ce que vous sauriez imaginer de plus obligeant.