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2867. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 16 décembre 1747.

J'ai reçu votre dépêche du 6 de ce mois. Quoique la négociation des Puissances maritimes, touchant la marche des troupes russiennes, soit encore dans le même état, et qu'on n'ait pris jusqu'ici aucune résolution définitive à ce sujet, je continue cependant, moi, d'être du sentiment qu'elle ne laissera pas de parvenir à sa consistance, bien que quelques semaines plus tard que les ministres des Puissances maritimes qui y travaillent l'ont espéré d'abord, l'argent que ceux-ci offrent étant un trop grand appât pour la Russie, dans le dérèglement de ses finances, pour qu'elle ne le dût accepter.

Pour ce qui concerne les chipoteries secrètes en Angleterre avec l'Espagne, je ne vois jusqu'ici aucune apparence que la dernière voulût se séparer sérieusement de la France, et je ne regarde ce chipotage que comme un moyen que l'Espagne, de concert avec la France, met en œuvre pour convenir avec l'Angleterre de quelques conditions qu'on voudra mettre pour base de la paix future générale.

Il serait pitoyable si la cour de Vienne voulait jamais se servir de prétexte, pour couvrir sa rupture contre moi, de la nomination que j'ai faite du prince de Schaffgotsch à l'évêché de Breslau. Sans entrer dans le détail des bonnes raisons qu'on aurait à lui opposer alors, je crois qu'il ne convient point à elle de m'accuser de n'avoir pas accompli les conditions du traité de la paix de Dresde, tant qu'elle de son côté a manqué contre rime et raison à l'article de la garantie de l'Empire à cette paix; et tant qu'elle ne suffira pas à cet article, il serait du dernier ridicule que de vouloir me reprocher des bagatelles toutes pures. Au surplus, si jamais l'envie lui prend de rompre avec moi, vous devez compter qu'elle cherchera cent autres [prétextes] pour pallier son entreprise, sans s'attacher à un si fichu objet, puisque vous ne sauriez ignorer que toute puissance qui veut entamer une autre, ne manque jamais de prétextes. Mais toute noirâtre et refrognée que la cour de Vienne soit à l'égard de madite nomination, il faudra bien qu'elle acquiesce à la confirmation du siége de Rome, dès que le prince de Schaffgotsch l'aura obtenue, et d'ailleurs, pour rendre vains tous les mauvais prétextes dont la cour de Vienne voudra se servir pour m'entamer, je fais construire de bonnes forteresses en Silésie, qui apparemment la réduiront à quia.

Je ne suis point „surpris de ce que les finances de la reine de Hongrie vont de mal en pis, en voyant les moyens dont on se sert pour les arranger. J'en conjecture même que dans un temps de paix on y travaillera avec le même peu de succès, puisque tel souverain qui veut se mêler d'affaires de finances sans avoir préalablement une exacte connaissance de son pays et sans connaître les principes solides à ce sujet, risquera toujours de gâter ses affaires et de tomber de la fièvre froide dans une chaude.