2235. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Pyrmont, 29 mai 1746.

Les dépêches que vous m'avez envoyées par le capitaine de Thun, m'ont été bien rendues, et les fortes assurances que vous me réitérez que ce n'est point à moi que la Russie en veut par ses grands armements, et que je n'en ai rien à craindre, m'ont fait bien du plaisir. Cependant, comme une méfiance raisonnable est la mère de la sûreté, vous devez continuer à vous appliquer sans relâche à approfondir les vues et menées secrètes du ministre, et suivre avec attention tous les arrangements militaires, de même que les moindres mouvements qu'on va faire des troupes russiennes.

Vous devez, outre cela, être fort au guet sur ce qui se traite avec les ministres autrichiens et saxons, et tâcher d'en découvrir le véritable sujet par les moyens de vos amis, qui ne pourront guère manquer d'en découvrir quelque chose. Vous devez d'ailleurs caresser au possible le Chancelier, pour voir s'il n'y a pas moyen d'en arracher ou d'une ou d'autre façon quelques circonstances de son secret, qui laissent deviner le reste. Je suis encore fort tenté de croire que tout ce qu'on fait actuellement en Russie, roule principalement sur un établissement à faire en Pologne au prince Xavier, et que la Russie n'a assemblé son armée que pour me tenir en échec, afin qu'en attendant elle ait les bras libres de faire en Pologne tout ce qu'elle veut. Il est certain qu'il se chipote quelque chose de la dernière conséquence entre les cours de Pétersbourg et de Dresde, et il n'est presque plus douteux qu'il n'y en ait déjà quelque plan d'arrêté. Je viens d'apprendre de Dresde qu'il y est arrivé un courrier de Russie sur les dépêches duquel le comte Bestushew a eu des entretiens assidus avec Brühl, desquels le cham<101>bellan russien Tschoglokow, qui est actuellement à Dresde, s'est fort mêlé. Après cela, le sieur de Lœben a été dépêché encore le 20 de ce mois fort mystérieusement pour retourner en Russie. Outre cela, il y a toujours un bruit sourd, bien que très mystérieux, à Dresde que le roi de Pologne, bien qu'il ait fixé son départ pour Fraustadt, le 31 de ce mois, n'irait point au mois de septembre à Varsovie, marque sûre, si la chose est telle, qu'il y a quelque plan arrêté entre la Russie et la cour de Dresde, apparemment pour soutenir par les forces de la première l'abdication du père en faveur du prince Xavier, les lois de la Pologne s'y opposant sans cela.

Tout ce chipotage-là me confirme de plus en plus dans mes soupçons, et j'ai bien voulu vous avertir de toutes ces circonstances, afin que vous tâchiez de découvrir, s'il est possible, le pot aux roses.

Federic.

Nach dem Concept.