2250. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Potsdam, 13 juin 1746.

Mon cher Podewils. J'ai combiné le discours que vous a tenu Valory, avec l'insinuation que d'Argenson a fait faire à Chambrier, et je crois y avoir aperçu que les Français pensent de nous lier avec la Saxe, en haine de la cour de Vienne et par crainte de celle de Russie. Mon système pacifique ne me permet point de m'engager dans aucune alliance, pour éviter tout ce qui me pourrait entraîner dans de nouveaux embarras. J'ai épuisé tout ce que m'a pu fournir mon imagination pour pénétrer les desseins de Bestushew et pour conjurer cet orage; si ces gens nous attaquent cette année, mon État y risquera beaucoup. Je me trouve presque dans l'impossibilité de leur résister; la cherté est si grande en Prusse que je ne pourrais absolument point y assembler une armée, faute de vivres; l'armée manque encore de tentes et de beaucoup d'autres nécessités, les ressources sont épuisées. Si avec ces tristes circonstances, un ennemi aussi redoutable allait fondre sur une province, je me verrais exposé à une ruine presque certaine, dont la Providence veuille nous préserver; en un mot, c'est plus l'état délabré de mon intérieur que les forces des ennemis qui sont à craindre, et c'est la raison qui me fait caler les voiles et qui m'oblige de me revêtir de la peau de renard après m'être servi de celle de lion. Je suis votre fidèle ami; au revoir,

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.