2360. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 3 octobre 1746,

Je suis fort content de la dernière dépêche, que vous m'avez faite en date du 24 de septembre passé. Quant aux affaires de Henckel, vous ne devez pas croire que je néglige les avis que je reçois de vous. Je fais veiller avec vigilance sur toutes ces correspondances mystérieuses, et je mets tout en activité pour découvrir les machinations de mes ennemis. J'ai déjà vu par l'interception de quelques lettres que la plupart de la correspondance ne regarde que les affaires particulières de Henckel. Je suis persuadé que toute cette correspondance contient trois points : primo, leurs affaires domestiques; le second point, pour avoir des nouvelles de ce que je fais en Silésie etc.; et le troisième point, de faire espérer sans cesse à ces gens quelque révolution, pour les entretenir dans les bonnes dispositions où ils sont vers la maison d'Autriche. Je suis persuadé que les ministres autrichiens ont une grande attention d'entretenir les mal intentionnés dans les dispositions où ils sont, d'autant plus que les Au<201>trichiens attendent les événements et se ménagent toujours des créatures pour en pouvoir profiter lorsque des occasions s'y présentent. Dans le fond de mon âme, je suis bien aise de ce que Bernes n'arrive pas; c'est un mal intentionné de moins à Berlin; et, dans le fond, je suis persuadé qu'il n'y fera pas grand bien; je crois qu'on arrête son envoi par une de ces deux raisons&160;: ou bien par hauteur dédaigneuse et pour montrer que nous avons été les premiers d'envoyer un ministre à Vienne, ou par complaisance pour la cour de Russie, et en ce cas-là Bernes n'arrivera à Berlin qu'avec le comte Keyserlingk en même temps. Vous faites fort bien de prendre cette, affaire sur le ton de plaisanterie, et il est nécessaire qu'on fasse semblant vers ces gens-là qu'on est fort peu sensible à leur procédé.

Je ne m'étonne point de la mauvaise conduite que le ministre anglais Robinson tient à mon égard; il est mal intentionné, depuis que sa négociation au camp de Strehlen ne lui a pas réussi; mais dès que l'Angleterre aura expédié notre acte de garantie, j'ai lieu de croire que les instructions qu'il recevra seront si positives qu'il ne saura pas s'en départir. Sur ce qui est des mouvements des Autrichiens, je suis encore persuadé qu'ils sont en grande partie par l'appréhension que leur font les changements des quartiers, et en partie par les appréhensions qu'ils ont que je pourrais me mêler de la guerre présente ou des affaires de l'Empire. L'assemblée des milices de Bohême ne peut être que pour une défensive, et l'ordre qu'ils ont donné à leurs régiments de se tenir prêts à marcher, peut avoir pour objet de les envoyer en Flandre, le printemps qui vient, ou de former une armée sur le Rhin, ou bien de couvrir leurs propres frontières. Vous faites très bien de veiller à la conduite de cette cour, qui dans le fond est si mal intentionnée qu'elle peut l'être, et de suivre la démarche de ces gens pas à pas, pour en connaître tous leurs tours et tous les aboutissants.

Federic.

Nach dem Concept.