2513. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 31 janvier 1747.

La dépêche que vous m'avez faite le 21 de ce mois, m'a été rendue. Je ne puis être fâché d'apprendre „que les affaires des Autrichiens en Italie et en Provence vont un peu de travers, et, comme il y a ici des lettres d'Italie qui assurent positivement la marche des troupes napolitaines vers la Toscane et du côté de Gênes, on a lieu de présumer que les Autrichiens trouveront là tant de fils à retordre qu'ils n'auront guère le loisir à penser à de nouvelles entreprises.

<305>

S'il est vrai, comme mes lettres de Pétersbourg me l'ont voulu assurer, que le comte de Castellane avait mandé de Constantinople au ministre de France à Pétersbourg que la Porte Ottomane ferait proposer au schah Nadir une étroite alliance, l'objet n'en saurait être que d'engager celui-ci à faire une diversion à la Russie, ou bien de la tenir en échec pendant que la Porte Ottomane fera la guerre à la reine de Hongrie. Les mêmes lettres m'apprennent que les Turcs font transporter à petit bruit de la Natolie sur la Mer Noire quantité de canons et autres ammunitions de guerre, probablement pour mettre en état de défense la forteresse d'Otschakow et d'autres places frontières. Quand je combine toutes ces circonstances avec la nouvelle qu'on a mandée de Pologne, que les Turcs font défiler des troupes vers la Valachie, pour y assembler un corps de 20,000 hommes, il faudra absolument que la cour de Vienne prenne à la fin ombrage de ces gens-là, et si ces affaires devaient devenir sérieuses, elle aurait certainement peu à attendre d'une diversion de la Russie, malgré toutes les ostentations guerrières que celle-ci a faites jusqu'à présent.

Mon ministre à Londres vient de me mander que, dans une conférence qu'il avait eue avec milord Chesterfield au sujet des procédés de la cour de Vienne pour éloigner la garantie de l'Empire sur le traité de Dresde, celui-ci avait été peu satisfait de la conduite de la cour de Vienne à l'égard de moi et avait désapprouvé entièrement tous ces subterfuges, qu'il avait baptisés de sophismes et de pures chicanes d'avocats, en ajoutant que, si la cour de Vienne continuait d'en agir ainsi envers moi, elle travaillait à grands pas à gâter ses affaires; mais qu'il espérait qu'on aurait encore assez de bon sens à Vienne pour changer de conduite, et que, pour ce qui regardait l'Angleterre, Sa Majesté Britannique avait non seulement donné des ordres précis au sieur Robinson, pour seconder en tout mon ministre à Vienne et rectifier cette cour et la solliciter à ne plus mêler des objets étrangers au traité de Dresde, mais que, de plus, on avait fait entendre clairement au sieur Wasner à Londres qu'il fallait que sa cour se prêtât une bonne fois gracieusement à l'affaire de la garantie de l'Empire; et qu'enfin il se flattait que je serais content du sieur Robinson, et qu'on ne laisserait plus languir cette affaire, à moins que la cour de Vienne ne voulût plus faire aucune attention aux instances du roi d'Angleterre. Vous, qui êtes à même de savoir au juste si les protestations du lord Chesterfield sont sincères et si effectivement le sieur Robinson, a reçu de pareils ordres, vous, dis-je, ne manquerez pas d'y être attentif et de me rapporter de quelle manière ce ministre-ci s'est conduit là-dessus.

Federic.

Nach dem Concept.

<306>