2883. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 30 décembre 1747.

J'ai appris une affaire qui me fait de la peine. Le marquis de Valory a trouvé un moyen de répandre adroitement un bruit dans la ville comme si j'étais à la veille d'attaquer de nouveau la reine de Hongrie ou de faire au moins des démonstrations afin de l'obliger par là à garder quelques troupes dans ses pays héréditaires. Quelques personnes indiscrètes, à qui Valory s'en est confié, m'en ont averti, et je n'ai pas manqué de faire sentir à Valory cette irrégularité, en lui faisant connaître qu'il ne lui convenait point de se mêler de nouvelles de cette espèce, sans m'avoir pressenti sur ce sujet. Cependant, comme la chose est faite, je compte de m'en servir comme d'une pierre de touche pour juger si le comte Bernes est assez crédule pour tomber dans un piége aussi mal ourdi. Vous pourrez l'apprendre facilement à Vienne et vous le lirez sur tous leurs visages. D'ailleurs le comte d'Ulfeld ne manquera pas de vous en lâcher quelques mots dans ses appartements, et si Bernes a écrit la chose avec plus de circonstances, cela ne manquera pas de transpirer bientôt. En cas que Bernes ait donné tête baissée dans le panneau, c'est un signe certain que ce ministre-là n'approfondit guère les matières et qu'il sera facile de lui faire faire des faux-pas, supposé quand on le trouvera à propos. Que ceci vous serve d'instruction pour ne point ramasser vos nouvelles parmi ces bruits de ville qui sont excités et calmés au gré de ceux qui savent mouvoir la populace, et je vous avertis pour votre plus grande instruction que tous ces grands bruits et ces prodigieux amas de magasins et ces différents campements dont Valory s'est plu de faire une relation, ne sont que des chimères toutes pures, ampoulées sur les ordres qui sont donnés ordinairement aux régiments pour passer la revue annuelle dans les différentes provinces où ils sont en garnison, et que, dans tous les arrangements que j'en pourrai faire, il n'y aura que très peu de changement à ceux de cette année. Si le général Bernes a écrit les susdits bruits de Valory à Vienne, je crois que cette cour-là s'en servira avec empressement, pour autoriser<556> ses instances auprès de la cour de Russie, afin que celle-ci continue ses ostentations en Livonie.

Quant à la paix générale, mettez-vous une fois pour toutes dans l'esprit qu'elle ne se fera point par une médiation, mais qu'elle sera conclue à Londres et de là communiquée aux alliés de l'Angleterre; ce qui me confirme dans cette opinion, c'est ce que non seulement le sieur de Wall, mais aussi l'abbé Aunillon, autrefois ministre de France à Cologne, se trouvent tous deux actuellement à Londres.

Federic.

Nach dem Concept.

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