<327> seulement comme une marque de satisfaction que ce Prince donne à ce ministre pour la part qu'il a eue dans l'ouvrage du rétablissement de la paix. Comme cet ouvrage a eu ici beaucoup de contredisants, le roi de France, qui l'a voulu absolument, croit aujourd'hui apparemment qu'en mettant dans son conseil celui qui en a été le principal ouvrier, il fait voir combien cette paix lui est agréable, et que cela fermera la bouche à ceux de ses sujets qui par leurs discours critiques et malins auraient pu produire des nuages dans l'esprit des puissances avec qui la France vient de se réconcilier. Le marquis de Puyzieulx et le comte de Saint-Séverin qui en ont été les instruments, se trouvent plus à portée de soutenir ce qu'ils ont fait, dès qu'ils sont tous les deux dans le conseil du Roi leur maître, et les autres ministres, qui ont, dit-on, critiqué cette paix tant que le marquis de Puyzieulx a été seul dans le conseil, deviendront plus doux, quand ils le verront doublé par un homme contre lequel ils ne tiendront pas sur des matières où il est plus fort qu'eux. Le comte de Saint-Séverin réunit, avec beaucoup d'esprit pour les affaires et de l'expérience, une énonciation aisée et fort persuasive; il anatomise une affaire dans toutes les faces dont elle est susceptible; il est fertile en expédients, il est délié et capable de vues et d'élévation dans l'esprit; il a beaucoup de nerf; son caractère naturel le porte à la domination et à la hauteur; il a quelquefois même de la sécheresse et de l'humeur; mais quand il voit que dans les grandes affaires il faut qu'il plie, il le fait avec dignité tant qu'il peut. Le marquis de Puyzieulx l'a fait valoir dans l'esprit du Roi son maître à l'occasion de la paix tant qu'il a pu. Ainsi ces deux hommes, étant étroitement unis, sont aujourd'hui les deux seuls en qui Sa Majesté Très Chrétienne ait le plus de confiance, parcequ'ils ont fait ce qu'elle souhaitait.

Votre Majesté me fait l'honneur de me demander1 ce que je crois de la façon de penser du roi de France et de ses ministres par rapport au système qu'ils voudront adopter après la paix faite. Je commencerai par répondre à ce que Votre Majesté me fait l'honneur de me demander, pour avoir celui de Lui dire une petite anecdote qui répandra déjà quelque lumière sur ce que Votre Majesté souhaite de savoir. Le lendemain du jour que le comte de Saint-Séverin arriva ici d'Aix-la-Chapelle, et avant qu'il se rendît à Versailles, il m'envoya son valet de chambre à huit heures du matin pour savoir des nouvelles de ma santé et pour faire des excuses sur ce qu'il ne pouvait pas se rendre aussitôt chez moi. Je lui fis dire que je passerais chez lui. Je m'y rendis. Lorsque j'entrai dans sa chambre, je le trouvai avec le marquis de Soto-Mayor et le marquis de Stainville; d'autres personnes y vinrent encore pendant que j'y étais, en sorte que j'attendis assez longtemps pour pouvoir rester seul avec lui. Quand j'y fus parvenu, je lui parlai du grand ouvrage qu'il avait fait et je lui en parlai dans les termes les plus convenables qu'il me fût possible, pour le Roi




1 Vergl. Nr. 3360 S. 300.