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de même que sur le sentiment qu'on a que, si la France se déclarait sérieusement sur les affaires du Nord, les ministres d'Angleterre y penseraient plus d'une fois, avant que d'y prendre parti. Tout intéressant que cet avis me paraît, je laisse cependant à votre discernement si vous croyez convenable de le communiquer au marquis de Puyzieulx de façon qu'il ne saurait se fortifier dans les soupçons que mes ennemis lui ont inspirés, comme si je n'avais en vue que d'aigrir la France contre l'Angleterre, afin de brouiller de nouveau les cartes. Indépendamment de cela, vous ne laisserez pas d'informer ce ministre des avis que j'ai et que je vous fais communiquer, encore, du département des affaires étrangères, de l'empressement extrême que la cour de Vienne continue d'avoir à amasser de l'argent comptant, et que, malgré les fortes sommes qu'elle avait en caisse, on n'en payait personne, et que même on cessait de payer les pensions qui en temps de guerre avaient été acquittées; avis qui ne laissait pas que de donner à penser sur les desseins de ladite cour de brouiller les affaires du Nord et d'avoir en mains afin de payer des subsides à la Russie pour parvenir à ses fins — quoique la démarche que la Russie a faite par la déclaration qu'elle a fait faire par son ministre à Stockholm, le sieur Panin, dont vous êtes déjà instruit, ait dû me tranquilliser.

L'on me marque d'ailleurs de Londres que le ministre de Danemark,1 ayant été sondé sur les grands préparatifs de guerre de son maître, avait répondu qu'il fallait être sur ses gardes contre un orage qui s'élevait dans le voisinage; que, tant que le roi de Suède serait en vie, les choses resteraient tranquilles, et que, pour lui, il espérait que tout cela n'aurait point de suites. De plus, le duc de Newcastle, à qui un de ses confidents a serré le bouton sur les affaires du Nord, doit s'être exprimé, à la fin, dans ces termes : que l'Angleterre était un pays de liberté et qu'elle avait encore de l'argent pour soutenir ceux de ses amis qu'on voudrait opprimer, et qu'elle était fidèle à ses anciens alliés; expression à laquelle j'avoue que je n'entends rien, mais qui me paraît être du même aloi que le sont les bruits ridicules et insensés qu'on dissémine à Vienne comme si la Russie craignait d'être attaquée.

Voilà tout ce qui m'est revenu de pour et de contre, dont je vous laisse la liberté de faire tel usage que la prudence vous dictera. En attendant, vous ne laisserez pas de faire pousser, par le ministre suédois, à la roue, pour que la France fasse quelque déclaration sérieuse en Angleterre pour empêcher, s'il est possible, une nouvelle guerre.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Söhlendahl.