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3691. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE VOSS A DRESDE.

Voss berichtet, Dresden 30. Mai: „Malgre la misère qu'on a vue à la dernière foire, on ne voit point de changement à présent, les dépenses restent toujours les mêmes, et quand un artisan ne veut plus travailler ou qu'il demande son payement, on l'envoie aux arrêts. Le Roi se divertit cependant journellement à la chasse d'hérons, le premier ministre et une assez grande suite accompagnent Sa Majesté, et la dépense pour les chevaux va assez loin. Comme le Roi m'avait invité d'y venir un jour, je m'y suis rendu hier et j'ai observé que, malgré toutes les requêtes qu'on jette dans le carrosse du Roi, le comte Brühl se soutient toujours. On remarque cependant que ce ministre est depuis quelque temps de très mauvaise humeur, et on lit l'inquiétude sur son visage. On prétend que c'est l'arrivée du maréchal de Saxe qui l'intrigue, et l'on est du sentiment que jamais le comte de Brühl n'a tant risqué qu'à présent.“

Voss berichtet, Dresden 2. Juni: L'arrivée du maréchal de Saxe est regardée ici comme une grande époque. On l'attend dans quinze jours et l'on craint un changement dans le ministère... Pour moi, j'ai de la peine à me persuader que le Roi puisse gagner sur lui de l'éloigner, et reste à savoir même si en tout cas ce changement serait convenable aux intérêts de Votre Majesté... Un autre ministre travaillerait peut-être à remettre les finances et à rétablir le militaire sur un meilleur pied, au lieu que le comte de Brühl ne fait que de déranger les finances et ruiner le militaire.“

Potsdam, 7 juin 1749.

Tout ce que vous dites par votre dépêche du 30 de mai dernier, est beau et bon; il ne m'est cependant point probable que la partie adverse du comte de Brühl parvienne encore aussi facilement à l'éloigner du Roi son maître, ce ministre pouvant être comparé à un arbre qui a jeté de trop profondes racines pour être renversé tout d'un coup.

La considération principale qu'il y a à faire à cela, est que, si après tout on pouvait en venir, là où vous êtes, à vouloir congédier le comte de Brühl, on s'y trouverait fort embarrassé, n'y ayant point d'autre dont ils puissent se servir à le remplacer, le comte de Lynar y manquant de tête et pensant tellement en bon Autrichien et Russe que le maréchal de Saxe ne pourrait absolument point se flatter de trouver son compte avec ce dernier.

Federic.

 

P. S.

Après avoir achevé ma dépêche, je viens de recevoir celle que vous m'avez faite du 2 de ce mois. Je conviens tout-à-fait avec vous qu'aucun ministre à Dresde ne nous saurait tant convenir que le comte Brühl; aussi ne vous mêlerez-vous en aucune manière de toutes les intrigues qu on voudra jouer contre lui, mais laisserez aller les choses à cet égard tout comme elles voudront, sans y prendre part ni en noir ni en blanc. Je veux même que, quand l'orage commencera à gronder, vous deviez tâcher à parler confidemment à ce ministre et lui dire un compliment poli de ma part, en lui insinuant que je n'ignorais point les desseins que ses ennemis et envieux voudraient mettre en œuvre contre lui, mais que je vous avais ordonné expressément de ne vous en