2909. AUX MINISTRES D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS ET BARON DE MARDEFELD A BERLIN.

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Podewils und Mardefeld berichten, Berlin 23. Januar: „Le duc de Wurtemberg supplie Votre Majesté de la manière la plus pressante... de le guider par Ses lumières dans la situation embarrassante où il se trouve maintenant, depuis que, malgré son opposition, l'évêque de Constance, un des directeurs du cercle de Souabe, s'est arrogé de former un conclusum du susdit Cercle en faveur de l'Association, et a trouvé le secret de le faire agréer par la pluralité des membres dudit Cercle et de les déterminer tout de suite à l'envoi d'un ministre à Francfort pour assister au congrès des Cercles associés. Le Duc représente cette démarche comme le tombeau de la neutralité, et la regarde comme devant infailliblement entraîner l'Empire dans la guerre présente, à moins qu'on n'oppose une forte digue aux partisans de la cour de Vienne et qu'on n'empêche que les troupes russiennes se rendent sur le Rhin pour forcer les Etats bien intentionnés à se prêter aux vues de la faction autrichienne, ainsi que celle-ci menace.“

Berlin, 26 janvier 1748.

Pour vous répondre à la représentation que vous venez de me faire au sujet de la lettre du duc de Wurtemberg que je vous renvoie à la suite de celle-ci, je vous dirai que je ne suis pas assez au fait des lois et des coutumes de l'Empire pour savoir décider si dans les délibérations d'un Cercle d'Empire un de ses directeurs qui a la pluralité des voix devant soi, est capable ou non de forcer les autres à s'y conformer, mais qu'il me semble qu'une semblable question ne peut être décidée que par la Diète de tout l'Empire. Dans ce cas-là, nous aurons pour nous les voix de Saxe, de Cologne, de Bavière et du Palatin, et par cette supériorité de voix que nous aurons dans le Collége Électoral, je ne vois pas comment les voix de quelques

 

mécontents pourraient entraîner tout l'Empire dans les intérêts de la reine de Hongrie.

D'ailleurs je ne présume point que la marche des Russes pourrait entraîner l'Empire dans une guerre contre la France, car les Russes ne feront que traverser l'Empire pour se rendre en Flandre; ainsi les Cercles de Souabe et du Haut-Rhin ne s'apercevront pas du séjour que les Russes feront en Bohême. Quant au système que je me suis proposé, je ne m'en départirai d'un pas, et je veux conserver ma neutralité, que rien ne doit faire rompre que des actes d'hostilité de la part de mes ennemis. Si j'étais la Providence et que j'eusse le choix des événements, je les tournerais certainement à l'avantage de la France, mais n'étant qu'homme, et par conséquent très peu en état de disposer des choses futures, j'empêcherai, autant que je pourrai par mes remontrances, l'Empire de se déclarer contre la France. Si, après tout, il le fait malgré cela, je l'abandonnerai à sa destinée et je ne me remuerai certainement pas pour sortir de la situation où je suis ; car, mettant les choses au pis, tout ce qui en pourrait résulter, serait que la France ferait une paix moins avantageuse, et que, malgré toutes les assurances que les Anglais nous ont données de nous procurer à cette paix la garantie de l'Europe, ils manqueraient à leur parole. Si tout cela venait à arriver, nous nous trouverions toujours mieux dans la situation où nous sommes, que si nous nous laissions imprudemment entraîner dans une chose où je ne prévois que toutes sortes de malheurs qui pourraient nous en arriver. Je conclus donc que, tant que vous pourrez empêcher les Cercles de l'Empire à se déclarer contre la France, par vos représentations et par vos intrigues, vous ferez bien de le faire et d'y employer tous les artifices imaginables, mais qu'il faut bien se garder de parler trop haut et d'employer des menaces, parcequ'il ne faut jamais s'engager trop en avant dans une affaire que l'on n'est pas intentionné de soutenir avec toute la vigueur imaginable. Et sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.