3138. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 2 juillet 1748.

Vos dépêches des 11, 14 et 15 de juin dernier me sont parvenues quasi à la fois, pendant mon voyage de Magdebourg. Pour ce qui est du contenu de la première de ces dépêches, je trouve des plus fondées vos conjectures, sur le chagrin du Chancelier à cause des préliminaires de paix qui ont été signés contre son gré et sans qu'il y ait rien contribué, et que nonobstant de cela il saura se conserver dans son crédit et tâcher de maintenir les liaisons entre la Russie et la cour de Vienne. Mais il n'est point probable, pour cela, que la cour de Pétersbourg dût avoir plus de ménagement que par le passé pour les puissances ses voisines, avant qu'elle ne change de ministère. Les fâcheries qu'il y a eu jusqu'à présent entre les cours de Vienne et de Londres, ne sont<159> point encore d'aucune conséquence, mais il est à croire qu'elles le seront, quand il s'agira d'une négociation formelle de paix, puisqu'alors la cour de Vienne ne laissera sûrement que de faire des démarches qui de toute nécessité ne tarderont pas à la commettre avec l'Angleterre.

Je suis fort satisfait de la conduite que vous me mandez, par votre dépêche du 14 de juin dernier, avoir tenue dans les conjonctures présentes, et je ne saurais que vous louer de cette même dépêche à cause de son détail, auquel on ne saurait rien ajouter. Cependant, ce qui me surprend, est que le Chancelier, pouvant profiter davantage de l'Angleterre que de la cour de Vienne, ne laisse pas que de marquer plus d'attachement pour cette dernière que pour l'Angleterre et de préférer les intérêts de la maison d'Autriche à tout autre, quel qu'il puisse être. Je vous avoue que je ne saurais rien démêler à cet entêtement capricieux du Chancelier, et vous ne manquerez pas de m'éclaircir ce problème merveilleux auquel jusqu'ici je ne puis rien comprendre. La Russie ne pourra point se vanter, au reste, que je lui aie fait de ces distinctions et de ces caresses dont elle a été fêtée par d'autres puissances; plutôt ne l'ai-je cédé jusqu'à présent en rien pour le moindre pas à la cour de Pétersbourg.

Le jugement que vous portez dans votre dépêche à mains propres sur les affaires de la Suède,159-1 est très bien pensé, et je saurai le mettre à profit en Suède là où il conviendra.

Je suis de votre avis que les Autrichiens ont voulu brasser quelque mauvais dessein contre moi avec le Chancelier, cependant je ne m'en inquiète en aucune façon, depuis que les Puissances maritimes viennent de me stipuler leur garantie par les préliminaires de paix, et je me tiens assuré de la sorte que les premiers, nonobstant toute leur mauvaise volonté contre moi, ne sauraient absolument m'être nuisibles. Vous ferez bien néanmoins de continuer d'approfondir les manigances des deux cours de Vienne et de Pétersbourg et d'y donner toute votre attention pour les pénétrer jusqu'au fond.

La destination du corps auxiliaire russien qui vient d'entrer en Moravie, est pure énigme jusqu'à cette heure. Mes dernières lettres de Vienne portent que ce corps hivernerait en Moravie et en Bohême, mais le ministre anglais à Ratisbonne a requis le cercle de Franconie pour le passage de ce corps, et selon d'autres avis encore il doit continuer sa marche jusqu'aux Pays-Bas. Si ce dernier avis est fondé, il en résulterait, selon moi, que les deux Puissances maritimes, dans l'appréhension que la France ne fît la difficile sur l'évacuation des Pays-Bas autrichiens, voudront avoir les troupes russiennes dans le voisinage de ces pays, pour couper court par là à toute chicane. Développez ce sujet là où vous êtes, autant qu'il vous sera possible, pour m'en faire ensuite votre rapport.

Federic.

Nach dem Concept.

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159-1 Vergl. die vorige Nummer.