3205. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Charlottenbourg, 12 août 1748.

On vient de me confirmer de très bonne part de Pétersbourg que la mort prochaine du roi de Suède y faisait un objet qu'on ne perdait pas de vue à la cour de Russie, qu'on en pouvait juger par les démonstrations qu'on recommençait déjà actuellement, par les bruits que cette dite cour faisait courir, et par l'affectation d'insérer dans la gazette de Pétersbourg les préparatifs que l'on faisait. Qu'on venait encore d'annoncer par la dernière un achat considérable de blé et d'avoine pour l'augmentation des magasins en Finlande; qu'il était vrai qu'il n'y avait rien de si pitoyable que ces sortes d'avertissements, et que la parade même que l'on en faisait devait servir à rassurer les Suédois; que ce n'était aussi pas là ce qui devait faire le plus de peine; qu'on devait bien craindre davantage les fréquentes allées et venues entre M. de Cheusses et le Chancelier, qui recommençaient tout de belle depuis quelque temps, et qui pourraient bien aboutir, au bout du compte, à un concert entre les deux cours relativement au même objet, et que c'était là une circonstance qui méritait toute l'attention de la Suède. Que la flotte russienne était encore, il y avait peu de jours, à la rade de Kronstadt, au nombre de dix-sept à dix-huit gros vaisseaux; qu'en attendant L'Élisabeth était encore dans le port de Kronstadt, et que l'on y travaillait nuits et jours. Il y avait des gens qui prétendaient que les 1,000 cosaques qui ont passé par Pétersbourg et qui s'en tenaient encore à un quart de lieue, étaient destinés pour la Finlande.

Après que vous aurez déchiffré vous-même ce que dessus, je veux que vous preniez occasion d'en faire la lecture à la princesse royale de Suède, et que vous lui représentiez ensuite que ces avis confirmaient à<204> merveille ce que je lai avais déjà fait dire plusieurs fois, savoir qu'en matière de changement du gouvernement de la Suède, il faudrait y aller à pas comptés et bien mesurés, parcequ'autrement il en pourrait résulter une guerre des plus fatales et ruineuses pour la Suède, d'autant plus qu'il était presqu'autant que sûr que les troupes russiennes retourneraient entièrement chez elles, et que même, à ce que l'on disait, elles en avaient déjà l'ordre.

Federic.

Nach dem Concept.