3272. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam, 28 septembre 1748.

La réponse que vous a donnée la princesse royale de Suède, ma sœur, sur les insinuations que vous lui avez faites de ma part, comme vous me le mandez par votre dépêche du 17 de ce mois, est très valable en elle même. Vous prendrez toutefois oceasion de lui parler encore sur ce même sujet, pour lui représenter les suites qui en seraient à craindre, pour peu que les Russes s'ameutassent seulement un parti de trente à quarante personnes qui fissent les mécontents; que la Russie prendrait immanquablement un prétexte de là pour s'en mêler et pour faire du bruit, qu'il n'y avait qu'à se ressouvenir de ce qui s'était passé en Pologne après l'élection du roi Stanislas,247-2 où les Russes, après avoir attroupé quarante à cinquante Polonais mécontents dans le village de Praga proche de Varsovie, et les avoir disposé d'y élire et proclamer de nouveau le roi Auguste, s'étaient d'abord mêlés de l'affaire, en soutenant le roi Auguste par la force des armes; que ce qui était arrivé, pouvait très bien avoir lieu encore.

Vous prierez la Princesse Royale, ma sœur, de ma part qu'elle veuille faire l'unique réflexion que les Suédois n'étaient pas même en état, au moment présent, pour pouvoir soutenir une seule bourasque; vous l'assurerez en même temps en mon nom que, si je faisais tant que de parler sincèrement sur cet article, ce n'était simplement que par l'attachement et l'amitié dont j'étais pénétré pour elle, et qu'ainsi j'étais obligé de lui dire naïvement que la Suède manquait présentement de troupes sur lesquelles elle pourrait se reposer, que les troupes qu'elle avait, n'étaient ni disdplinées ni aguerries, qu'il n'y avait actuellement point de général habile au service de la Suède qui entendît fondamentalement le métier de la guerre. Que, toutes ces raisons mises de côté, le<248> nombre même de ces troupes que la Suède avait sur pied, n'était dès longtemps point suffisant à résister à la Russie seule : comment donc on voudrait qu'il s'opposât efficacement dans un même temps à cette Russie et au Danemark ensemble? Qu'il en était de même de la flotte de Suède que de son armée de terre; qu'outre cela la Suède manquait, de beaucoup, des fonds nécessaires à entreprendre une guerre, que la Suède ne pouvait point se flatter que la France et ses alliés s'incommodassent grandement pour lui transmettre des remises en espèces, qu'elle se tromperait à coup sûr si elle y faisait fond.

Que, pour ne rien cacher à la Princesse Royale, ma sœur, je devais lui dire qu'on ne pouvait point se flatter en Suède avec fondement, à cause des circonstances d'à présent, que telle guerre, pour peu importante qu'elle fût, dût avoir une issue favorable à elle. Que je convenais que la Suède était plus que fondée en raisons d'être mécontente de ses voisins; que je convenais aussi qu'un changement dans la forme du gouvernement ne serait pas moins favorable à la nation suédoise ellemême qu'au Prince-Successeur; mais que je n'en étais pas moins d'opinion que — dès que, par les circonstances dans lesquelles l'on se trouvait, l'on ne pouvait se promettre que d'exposer tout-à-coup sa fortune à de grands hasards par une démarche précipitée, — il valait mieux, en ce cas, s'en tenir à la prudence, pour lui donner la préférence; que toute probabilité tant de la bonne que de la mauvaise issue de l'affaire étant contre la Suède, j'en concluais que la seule chose qui restait à faire, d'abord après la mort du roi de Suède, serait de n'entreprendre rien d'autre que simplement d'établir le Prince-Successeur sur le trône de Suède.

La raison fondée sur la vivacité des Suédois, et de vouloir profiter de leurs bonnes intentions qu'ils ont à présent, ne sont point choses suffisantes à être mises en comparaison avec ce que je viens d'alléguer ci-dessus.

Je suis bien aise, au reste, de vous avoir épanché tout ce que. j'avais à vous dire relativement au sujet, afin que, si l'on venait à précipiter l'affaire là où vous êtes et qu'elle manquât du succès favorable qu'on pourrait s'en désirer, on ne puisse en aucune façon m'en faire des reproches. Aussi insinuerez-vous le tout à la Princesse Royale, ma sœur, et lui ferez lire cette dépêche, si elle le demande.

Au surplus, il est décidé présentement que la Russie ne sera point admise aux conférences d'Aix-la-Chapelle, que le corps auxiliaire russien hivernera en Moravie et en Bohême, et qu'il ne se remettra en marche qu'au mois de mars prochain pour s'en retourner en Russie.

Federic.

Nach dem Concept.

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247-2 1733.