3387. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Berlin, 21 décembre 1748.

J'ai reçu votre dépêche du 9 de ce mois. B ne m'est point douteux que la France n'ait tout l'argent nécessaire pour avoir sa marine en bon état317-3 èt tenir sur pied une considérable et belle armée, et pourvu que ses fonds soient bien administrés, elle ne saurait point, selon moi, manquer des sommes requises à ces deux égards. Cependant, nonobstant les grandes ressources de la France, elle ne saurait à mon avis jamais se flatter que sa marine égale celle de l'Angleterre, celle-ci lui étant actuellement déjà trop supérieure en nombre de vaisseaux. Ceci fera toujours grand tort à la France, en tant que, pour se conserver ses possessions des Indes, elle y sacrifiera les intérêts les plus réels du royaume, ce qui par exemple est arrivé dans les dernières circonstances où la France s'est trouvée, où elle aurait dû tâcher de conserver coûte que coûte sa conquête des Pays-Bas, et en sacrifiant même pour cet effet son cap Breton; ce que néanmoins je ne vous dis que pour votre direction seule, et afin qu'en y réfléchissant de votre côté, vous m'en communiquiez vos pensées.

<318>

Vous approfondirez d'ailleurs et me ferez savoir si le crédit du maréchal de Saxe à la cour où vous êtes est encore aussi grand qu'il l'était autrefois, ou s'il a baissé de depuis, de même si ses projets y sont encore suivis selon les vues dudit maréchal.

Je serais, aussi, curieux de savoir de vous si le parti saxon à la cour de France est encore bien fort, et que vous me mandiez si le ministère de France ne sent point que les conjonctures présentes de l'Europe doivent plutôt être envisagées comme un armistice que comme une paix, pendant que chacune des deux puissances qui en font les parties principales, savoir la France et l'Angleterre, font tout ce qu'elles peuvent pour se fortifier par des alliances, de sorte qu'on dirait qu'elles ne font que se préparer pour que, en cas d'un nouveau branle, chaque parti y puisse apporter ses plus grands efforts. Du moins est ce là ce qu'en donne à penser la conduite que tiennent l'Angleterre et l'Autriche. Je vous écris tout ce que dessus pour vous seul, et afin que vous m'en rapportiez confidemment vos idées.

Federic.

Nach dem Concept.



317-3 Vergl. S. 300.