3535. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A LONDRES.

Potsdam, 11 mars 1749.

J'ai vu avec satisfaction ce que vous m'avez marqué, par votre dépêche du 25 du février dernier, de l'entretien que vous avez eu avec le sieur Durand, et j'approuve infiniment que vous l'avez mis au fait par rapport aux insinuations malicieuses et aux calomnies qu'on a tâché de lui inspirer à mon égard. Continuez de la sorte avec une attention particulière et ménagez sa confidence au possible, en lui donnant tous les éclaircissements que vous lui croirez nécessaires.

Comme toutes les nouvelles qui me sont entrées jusqu'ici, ne parlent que des grands armements que les deux cours impériales font sans discontinuation, et des camps que chacune d'elles de son côté va former au printemps prochain sur mes frontières, je me suis vu, à la fin, nécessité à faire aussi de mon côté quelques arrangements défensifs, pour ne point être pris au dépourvu ni pouvoir être surpris, en cas que ces deux puissances aient pris le concert entre elles, comme il y a la plus grande apparence, d'attaquer ou la Suède ou moi. Et bien que ce soit la chose la plus naturelle et la plus innocente que de se mettre sur un pied de défensive, lorsque l'on voit des orages gronder sur ses frontières, cependant, accoutumé que je suis que mes envieux et ennemis prennent à tâche de faire valoir la moindre démarche que je fais comme une preuve des desseins ridicules qu'ils m'attribuent malicieusement, pendant que personne né remue quand mes voisins font dix fois davantage, j'ai cru nécessaire, pour obvier à ces calomnies, de vous faire instruire sur les raisons qui m'ont mu à me mettre sur un état de défense dans ces conjonctures critiques et à faire en conséquence quelques arrangements parmi mes troupes, afin que vous sachiez comment vous expliquer, quand on vous parlera là-dessus. Vous recevrez donc à la suite de celle-ci une dépêche du département des affaires étrangères sur ce sujet,428-1 à laquelle vous ne laisserez pas de vous conformer et d'en faire le meilleur usage qu'il sera possible. J'y ai fait joindre encore un post-scriptum chiffré relativement au même sujet, auquel je me réfère ici pour éviter des redites.

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En attendant, vous pouvez être fort et fermement assuré et donner même les assurances les plus positives, quand il le faudra, que je resterai dans les bornes d'une simple défensive et que je ne remuerai en aucune façon, pourvu qu'on ne vienne pas m'attaquer ou m'insulter dans mon propre pays, ne souhaitant, au surplus, rien tant que de voir tout le Nord tranquille et la paix en Europe, rétablie par le traité d'Aix, stable et durable. Je dois cependant ne vous point laisser ignorer que la France même commence à bien ouvrir les yeux sur les démarches des deux cours impériales et de leurs adhérents, de même que sur les suites dangereuses qui en doivent résulter. Quant à vous, vous devez redoubler votre vigilance et votre attention sur tout ce qui se passe là où vous êtes, étant sûr que les circonstances relativement aux affaires du Nord deviennent d'un jour à l'autre plus dangereuses et plus critiques. Vous ne négligerez pas, à cette fin, de me mander jusqu'aux moindres circonstances qui viendront à votre connaissance à l'égard de ces affaires, car en combinant celles-là avec des avis qui m'entrent des autres lieux, elles m'éclairent plus qu'on ne le saurait d'abord croire.

Pour ce qui concerne les emprunts anglais sur la Silésie, j'ai vu le contenu du factum que les commissaires des propriétaires de cet emprunt vous ont présenté. Comme je souhaiterais fort que cette affaire pût être accommodée tout à l'amiable avec eux, et que cependant, dans les moments aussi extrêmement critiques où nous sommes, je ne pourrais point me dépouiller d'une somme aussi forte que celle dont il s'agit, je veux bien que vous fassiez entendre à ces commissaires dans des termes convenables que, comme je n'avais en vue que de satisfaire, à tous égards, les propriétaires de cet emprunt, j'étais prêt à leur faire payer à la fin du mois de mai prochain ou au commencement de juin la somme de 100,000 écus, et encore une pareille somme à la fin du mois de juillet, en décompte; que l'argent leur serait mis en mains, et que je m'arrangerais ensuite de la sorte que dans un espace de deux ans suivants tout le reste de la dette, tant en intérêts qu'à l'égard du capital entier, serait acquitté, et l'argent toutefois remis dans leurs mains; qu'ils pouvaient être fermement assurés qu'ils ne perdront jamais avec moi, et que je m'acquitterais exactement de tous les engagements où j'étais avec le roi de la Grande-Bretagne et la nation, tout comme je me promettais qu'ils rempliraient aussi de leur côté les engagements auxquels ils s'étaient obligés de leur côté envers moi.

Au surplus, il vous sera permis de vous expliquer de la même manière, et en ajoutant la dernière clause, au duc de Newcastle, toutefois par manière de discours, quand il vous parlera à ce sujet.

Federic.

Nach dem Concept.

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428-1 Vergl. S. 423 Nr. 3528.