3583. A LA PRINCESSE ROYALE DE SUÈDE A STOCKHOLM.

Potsdam, 4 avril 1749.

Ma très chère Sœur. La dépêche que je vous envoie aujourd'hui, est trop importante pour la confier à la voie ordinaire. Je vous confie le nouveau traité d'alliance que les Impératrices ont fait ensemble. Je vous conjure de ne le montrer à personne, sans quoi mon canal serait trahi. Vous verrez cependant qu'il n'y a rien d'offensif dans cette alliance; ainsi, je me flatte qu'à moins d'un accident imprévu tout restera tfanquille.

Je vous envoie cependant à tout hasard le projet de campagne que les Russes pourraient former, afin que, si cela devait en venir là, M. de Rosen sût les mesures qu'il lui conviendrait de prendre.

La première pièce est d'une si grande importance que je me flatte que vous ne me trahirez point; en attendant, comme elle servira à vous rassurer, j'ai été bien aisé de vous la communiquer promptement, vous priant de me croire avec la plus parfaite tendresse, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

[Projet de campagne.]

Il est à croire que, si les Russes attaquent les Suédois en Finlande, ils auront soin d'avoir une supériorité considérable en infanterie, car le pays est si fourré que la cavalerie n'est pas de beaucoup d'utilité, ce qu'ils peuvent avoir par les régiments qui sont actuellement dans les pays conquis, en y ajoutant les nouveaux bataillons qui ont été levés à Moscou, lesquels ensemble peuvent monter à soixante bataillons, non comprises les troupes qui viennent d'Allemagne, et les gardes, dont le plus grand nombre reste ordinairement à Pétersbourg; et comme leurs<473> dragons font leur service plus souvent à pied qu'à cheval, ils pourraient ajouter six ou sept mille, ce qui rendra leur armée forte d'environ 45,000 hommes.

Dans cette supposition, je crois qu'ils formeront un corps d'environ 20,000 auprès de Frédéricsham pour pénétrer le long de la mer par Borgo; un autre de 15,000 auprès d'Anguela pour pénétrer par Tawastehus, et le troisième, 10,000, qui s'embarqueront sur les galères à Reval pour passer en droiture par Hangœ-Udd à Åbo et couper par là la communication avec la Suède.

Il est vrai que, si la flotte des vaisseaux de Suède est plus forte que celle de Russie, elle peut s'emparer du parage de Hangœ-Udd et par là empêcher les galères de gagner Åbo; mais en ce cas même, elles ne seront pas inutiles, car en passant du côté de Helsingfors, les troupes de débarquement pourraient tomber sur les derrières du corps suédois qui sera opposé à l'armée russe qui, ayant été assemblée à Frédéricsham, doit poursuivre sa route le long de la mer. Il est vrai que sur cette route il y a d'excellents postes où un corps très inférieur peut s'opposer de front à une armée beaucoup supérieure, et qui ne peuvent être tournés, particulièrement auprès de Pernokirk; mais si les galères russes leur coupaient leur communication par mer avec Helsingfors, où naturellement leurs magasins seront, ils seraient obligés de replier sur cet endroit pour pouvoir vivre. Si, au contraire, les Suédois voulaient poster les plus grandes forces du côté de Tawastehus, pour empêcher les Russes de se poster au centre de leur pays, ils donneraient à l'ennemi l'opportunité de faire le siége de Helsingfors, qui par sa mauvaise situation ne peut jamais être rendu une place passable.

Les Suédois diront qu'ils auront des galères, aussi; mais s'ils emploient le nombre d'infanterie nécessaire, pour s'opposer aux Russes sur mer, ils s'affaibliront tellement sur terre qu'ils ne pourraient faire aucune résistance; ainsi je crois que la seule ressource des Suédois contre leurs galères serait d'avoir cinq ou six bâtiments plats qu'on appelle prames, montés chacun de seize pièces de canon de dix-huit livres de balle et ne tirant que huit pieds d'eau, ce qui pourrait extrêmement incommoder les galères russes et peut-être les rendre inutiles. Les Russes en ont deux, mais qui sont trop gros et tirant trop d'eau, ce qui les rend fort difficiles à manœuvrer parmi les îles.

Il me paraît très difficile aux Suédois d'empêcher les Russes de faire du progrès dans la Finlande, mais il me paraît aussi difficile aux autres de se soutenir dedans pendant l'hiver; le pays ne fournit pas assez de pain pour nourrir ses propres habitants, et par conséquent l'ennemi doit tout tirer de chez soi, la campagne ne peut commencer avant le 1er de juin veteris styli, faute de fourrages, et le 1er de septembre les gelées sont déjà commencées : si on peut les chicaner ces trois mois et les empêcher de s'établir à Helsingfors, ils seront obligés de se retirer dans leur propre pays au commencement de l'hiver pour<474> trouver des quartiers — ce qui nous474-1 serait arrivé l'année 1742, si les Suédois s'étaient retirés sur au lieu de se laisser enfermer dans Helsingfors, où ils furent obligés d'abandonner la Finlande par capitulation.

C'est par une conduite sage et mesurée que je crois qu'on pourrait tirer la guerre à une longueur dont les Russes ne s'y attendent pas; une campagne ou deux infructueuses pourraient causer des changements extraordinaires dans cet empire et attirerait infailliblement la perte des auteurs de la guerre, et peut-être irait plus loin.


Das Schreiben nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Die Denkschrift nach der dem Könige am 30. März 1749 überreichten Originalaufzeichnung des Feldmarschalls Keith.



474-1 Der Verfasser der Denkschrift, J. Keith, stand 1742 als Generallieutenant bei der russischen Operationsarmee.