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les obstacles praticables, sans trop me commettre, à cette élection; l'on conçoit que je ne saurais seul m'y opposer, mais l'on est de l'avis que je doive chèrement [faire] acheter mon suffrage.

J'ai répondu à tout ceci que, selon les lois fondamentales de l'Empire, un roi des Romains doit être [élu] par la pluralité des voix du Collége électoral; que la Bulle d'Or n'entre dans aucun détail ni pour l'âge ni pour la qualité du candidat; qu'à la vérité la capitulation de l'empereur Charles VII et de celui d'aujourd'hui disposait que les Électeurs ne devraient pas procéder légèrement à l'élection d'un roi des Romains pendant la vie d'un Empereur, et qu'ils doivent decider dans ce cas-là préalablement s'il y a de la nécessité ou non d'élire un roi des Romains; mais comme la cour de Vienne avait devant soi la pluralité des voix dans le Collège électoral, je ne pourrais pas empêcher, par tous les obstacles que j'y voudrais mettre, qu'on n'entreprenne cette élection et qu'on la fasse constater, quoique je pourrais bien tarder quelque temps à reconnaître l'élu. Que quant aux démarches à faire pour exciter une ligue dans l'Empire, le sujet me paraissait être bien délicat; que j'avais remarqué depuis du temps combien mal le secret était ménagé auprès de la cour palatine, pour ce que la cour de Vienne ne dût être instruite d'abord de tout ce qu'on y dit et propose, et qu'au surplus la plupart des princes de l'Empire ou tiraient des subsides des Puissances maritimes ou étaient tout-à-fait dans les intérêts de la maison d'Autriche; qu'en conséquence il faudrait user de bien du ménagement au sujet d'une pareille ligue, mais qu'indépendamment de tout cela j'avais besoin d'être informé si dans le cas que le fils aîné de l'Impératrice-Reine fût élu roi des Romains, la France le reconnaîtrait d'abord dans cette qualité ou non.

J'ai bien voulu vous dire tout ceci, pour votre direction seule, quoique vous ne ferez aucunement semblant d'en être instruit.

Quant aux affaires du Nord, vous saurez bien dire à M. de Puyzieulx que les dernières nouvelles qui m'en sont arrivées, me faisaient présumer que dans le moment présent tout pourrait rester encore tranquille, et que j'estimais que du moins l'on ne parviendrait pas dans le cours de l'année présente à quelque rupture ouverte, quoique les chicanes et agaceries de la cour de Pétersbourg iront toujours leur train; reste à savoir si, dans le cas que les Anglais et les Autrichiens parviennent à constater l'élection d'un roi des Romains, ils ne monteront leur langage sur un ton plus haut, ou si, dans le cas de la mort du roi de Suède, le chancelier de Russie ne voudra pas mettre en exécution ses projets. Ce qu'il faut que le temps nous apprenne.

Ce sera demain que le comte Tyrconnell aura ses audiences de moi pour entrer en activité. Autant que j'ai su connaître jusqu'ici son caractère, il est à peu près tel que vous me l'avez dépeint; mais par tout ce que j'en ai pu pénétrer, il ne me plaît pas trop, puisque je crois qu'il s'est rempli la tête des intrigues et des manéges dont on est