3747. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE GOLTZ A MOSCOU.

Potsdam, 12 juillet 1749.

Gardez-vous bien de croire, comme vous paraissez le faire dans votre dépêche du 19 du mois dernier passé, que les démonstrations guerrières de la Russie, qui vont toujours en augmentant, ne pourraient point tourner en réalité. Le mécontentement que le Chancelier a marqué quand la cour de Londres ne voulait se prêter d'abord à ses désirs, et les reproches qu'il lui fit de ce qu'elle avait changé de système après les promesses données à Hanovre,11-2 sont de sûrs garants que, nonobstant la disposition de l'impératrice de Russie pour n'être jamais agresseur, et malgré ses sentiments pacifiques dont l'ami connu vous a donné de fortes assurances, il y a eu une résolution prise d'agir offensivement contre la Suède, laquelle aurait été sûrement mise en exécution, si le ministère anglais avait osé entraîner la nation anglaise dans une nouvelle guerre.

De tout cela, et de la façon de penser et d'agir du ministre de Russie, je crois avoir lieu de conjecturer que ce ministre n'attendra que<12> la mort du roi de Suède, mais qu'il s'avisera alors de tout ce que son imagination lui pourra fournir pour chicaner les Suédois, pour leur faire des propositions exorbitantes et intolérables, et dès que, alors, les Suédois s'y refuseront, le Chancelier jettera de hauts cris et lèvera le masque. Pour y faire consentir aussi sa souveraine, il coûtera peu à lui de débiter à celle-ci quelque gros mensonge, afin de lui faire accroire que ce sont les Suédois et leurs amis qui ont été les agresseurs, ce qui lui sera assez facile de faire, la conduite passée de cette Princesse ayant fait assez voir combien les insinuations de ce ministre font de l'impression sur elle. Le seul moyen donc qui reste pour contrecarrer les vues pernicieuses du Chancelier, sera de le brouiller, s'il est possible, avec le comte Rasumowski.

Au surplus, je vous fais instruire par un rescrit du département des affaires étrangères qui vous parviendra à la suite de cette lettre, de l'arrivée de la flotte russienne sur la rade de Danzig, bravade qui doit apparemment nous regarder, mais dont je me soucie guère, craignant seulement l'événement de la mort du roi de Suède, qui pourra mettre en combustion tout le Nord et entraîner après insensiblement toute l'Europe, si la Providence n'y pourvoit en confondant les complots des méchants.

Federic.

Nach dem Concept.



11-2 Vergl. Bd. VI, 491. 517.