3759. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam, 19 juillet 1749.

En vous adressant ci-close une lettre pour ma sœur, la Princesse-Royale,19-1 que vous lui rendrez le plus tôt le mieux, je trouve nécessaire de vous communiquer une nouvelle des plus fâcheuses que je viens de recevoir de mon ministre en Russie, qui me marque, en date du 30 du juin passé, qu'un ministre étranger à la cour de Russie19-2 avait donné à un de ses amis19-3 un avis qui, s'il était fondé, comme l'on n'avait presque pas lieu de douter, jetterait la Suède dans le plus grand embarras du monde, savoir que la cour de Russie avait expédié le 8 ou le 9 du juin dernier un courrier au sieur de Panin, chargé d'un assez ample mémoire signé des deux Chanceliers, portant en substance la déclaration suivante ;

Que l'impératrice de Russie, vu la situation critique et périlleuse où la Suède se trouvait présentement, et en vertu des engagements pris avec cette couronne, mais principalement pour la garantir du danger imminent qui la menaçait, avait pris la résolution de faire entrer un corps de ses troupes dans la Finlande suédoise, tout comme elle avait secouru le royaume de Suède en 1743 à l'occasion des troubles qui l'agitaient dans ce temps-là, protestant néanmoins que ces troupes ne viendraient pas comme ennemies, mais comme amies, qu'elles paieraient tout argent comptant, qu'on leur ferait garder une discipline des plus exactes et qu'elles ne molesteraient personne; enfin, qu'on retirerait ces troupes du territoire suédois aussitôt que les conjonctures auraient changé de face.

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Le susdit ministre a lu à son ami le précis de cette déclaration et lui a fait entendre en même temps qu'on faisait monter ce corps de troupes jusqu'à 30,000 hommes, qu'on en embarquerait bon nombre sur les galères, et que ladite déclaration se faisait sur les instances et la réquisition d'une partie de la nation suédoise. Mon dit ministre ajoute qu'il avait lieu de douter d'autant moins de cette fâcheuse nouvelle qu'il avait toujours craint que le dessein du Chancelier ne fût de renverser le ministère présent de Suède, dessein qu'il se flattait, selon toutes les apparences, d'exécuter moyennant la susdite démarche, et qu'il y avait engagé sa souveraine sous prétexte que sans cela on ne serait jamais à l'abri de l'appréhension qu'on ne portât atteinte à la forme présente du gouvernement de Suède. Il remarque encore que sans doute ce plan avait été concerté avec les cours de Londres, de Vienne et, comme il croit, de Danemark, et que pour en faciliter l'exécution d'autant plus aisément, la cour de Russie tâchait de se faire autant d'alliés qu'il lui était possible, et d'attirer surtout la Saxe dans la ligue, en quoi elle ne manquerait pas de réussir.

Mais ce qui surprend le plus mon dit ministre, c'est que le Chancelier n'avait communiqué mot de tout ce que dessus au baron Hœpken.

Vous ne manquerez pas de communiquer tout ceci d'abord aux ministres de Suède, afin qu'ils puissent prendre leurs mesures là-dessus, et comme vous êtes à même de savoir au juste si actuellement le sieur Panin a reçu le courrier qui lui porte la déclaration susdite, j'attends avec bien de l'impatience ce que vous me manderez sur toutes ces nouvelles très fâcheuses et ce que l'on pourra espérer de la négociation avec le Danemark dans une situation aussi glissante et où la guerre paraît aussi bien que déclarée.

Federic.

Nach dem Concept.



19-1 Dieses Schreiben liegt nicht vor. Vergl. Bd. V, 354, Anm. 1.

19-2 Der holländische Gesandte van Swart.

19-3 Der preussische Legationssecretär Warendorff.