4619. AU COMTE DE TYRCONNELL, MINISTRE DE FRANCE, A BERLIN.

Potsdam, 12 novembre 1750.

Milord. Je ressens encore toute la satisfaction possible de la conversation que j'ai eue avec vous, il y a deux jours; mais pour obvier à tout équivoque ou malentendu, souffrez que je vous récapitule le précis de tout ce dont il a été question dans notre entretien.

Le premier point roule sur l'affaire de ma négociation entamée avec le duc de Brunswick; je vous expliquais comment votre cour m'avait fait proposer, il y a cinq ou six mois, de donner des subsides pour prendre à mon service des troupes de Princes de l'Empire; je vous avouais que j'avais été alors de l'opinion, et que l'étais presque encore, que la France pourrait ménager cette dépense pour quelque chose de plus pressant; mais puisque depuis peu vous m'avez fait connaître que votre cour était encore dans la même disposition et qu'elle verrait avec plaisir que je m'attachasse des princes de l'Empire, ce que mon ministre Le Chambrier me confirma dans le même temps, j'entamai une négociation là-dessus avec le duc de Brunswick, parceque les lettres interceptées m'avaient appris que les Autrichiens, de même que les Russes, étaient dans l'appréhension que je ne m'attachasse le susdit Duc dans le temps que son traité avec les Puissances maritimes irait à expirer.148-2

J'ajoutais que, comme il paraissait à présent que cette affaire n'avait pas pris faveur à votre cour, je croyais de ne pouvoir plus m'en mêler et qu'il me convenait de vous adresser la réponse du Duc, dès qu'elle me serait parvenue, afin que vous avisiez alors de ce qu'il y aurait à faire, conformément aux intentions de votre cour; qu'au surplus j'étais encore tout disposé d'y prêter mon nom et de signer le traité, s'il y avait moyen d'en convenir, mais que pour le reste je n'étais pas à même de me commettre plus en avant à ce sujet.

Le second point de notre conversation regarde mon alliance à constater avec les Turcs.148-3 J'ai goûté la proposition d'un traité d'amitié préalablement à faire entre moi et la Porte; il m'a paru seulement que je ne devais point risquer d'envoyer un ministre à Constantinople, avant que je ne fusse assuré de la réussite de l'affaire, parceque, quelque précaution que je pourrais prendre, l'éclat en serait inévitable, et qu'un pareil éclat ne me saurait être que bien désagréable à plusieurs égards, surtout si la négociation échouait.

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Quant aux affaires de la Suède,149-1 vous savez, Milord, que je me suis prêté avec plaisir d'écrire à ma sœur dans le sens que votre cour le désire, par rapport au mariage projeté entre le prince Gustave et une des Princesses du roi de Danemark, et de donner d'ailleurs des ordres à mon ministre à Stockholm de renouveler ses remontrances de la manière la plus pressante au ministère de Suède, afin que celui-ci prenne soin d'une bonne défense de la Finlande.

Je finis en vous renouvelant tous les sentiments d'estime et d'amitié que vous me connaissez pour vous. Sur quoi, je prie Dieu etc.

Dans ce moment, je reçois votre lettre, et bien loin de vouloir vous causer le moindre chagrin, je m'en remets à vous, Monsieur, sur ce que vous trouverez à propos d'écrire à votre cour. Quant au traité à faire avec le duc de Brunswick, il est juste qu'un ministre de France en arrête les conditions, parceque son maître les paie, et que je ne suis dans toute cette affaire qu'en qualité de maquereau. Je vous ai rappelé par cette lettre notre discours d'avant-hier, afin que vous puissiez rendre compte à votre cour de la façon dont nous pensons ici tant pour les affaires de Constantinople que de Stockholm.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Archiv des Auswärtigen Ministeriums zu Paris. Der Zusatz eigenhändig.



148-2 Vergl. S. 103.

148-3 Vergl. S. 12—14.

149-1 Vergl. Nr. 4620.