4827. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Potsdam, 6 mars 1751.

Votre dépêche du 22 du mois dernier m'est heureusement parvenue. Vous me faites un sensible plaisir de me donner des nouvelles aussi instructives et intéressantes que celles que vous m'avez marquées par la feuille séparée292-1 que j'ai trouvée jointe à votre rapport ordinaire. Je vous en fais bien remercîments, et vous pouvez compter que je me garderai soigneusement de parler ou de communiquer avec qui que ce puisse être des circonstances que vous m'avez apprises.

Cependant ce serait une grande perte également pour moi et pour la France, si dans la présente crise des affaires le marquis de Puyzieulx et le comte Saint-Séverin dussent quitter les places qu'ils tiennent à présent. Je ne suis pas assez instruit pour juger si ce qu'il y a d'autres ministres de France pensent aussi solidement et s'ils ont le système aussi ferme pour en agir conséquemment que les deux susdits ministres.

L'affaire de l'élection d'un roi des Romains paraît dormir à présent, au moins n'en entend-on presque pas parler. Des avis secrets m'ont voulu assurer que le ministère anglais n'était pas tout-à-fait d'accord là-dessus avec celui de Vienne; qu'on travaillait à réunir les sentiments, sans qu'on soit convenu de rien jusqu'à présent

L'électeur de Cologne paraît tenir ferme jusqu'ici. Des lettres de Hollande marquent que le Prince-Stathouder a reçu une lettre du général hollandais Cornabe, qu'on a envoyé à Munich292-2 pour faire les derniers efforts auprès dudit Électeur, afin d'avoir son engagement ferme, du contenu de laquelle lettre ni le prince d'Orange, ni son conseil n'ont été mécontents, tant pour ce qui regarde les dispositions du susdit Électeur que pour ce qui concerne celui de Bavière, dont on craint l'inconstance, et qui, au lieu de se prêter à disposer l'électeur de Cologne en faveur de l'élection, doit avoir prétendu pour préalable que la république de Hollande lui fasse compter les huit mois échus du subside moderne et 80,000 florins d'arrérages dont on lui dispute une partie.

Quant à la Saxe, l'on croit que sa voix n'est pas encore promise, mais que les cours de Vienne et de Londres l'auront, dès qu'elles lui feront quelques petites convenances. Il faut que le temps nous développe toutes ces affaires compliquées.

Federic.

<293>

P. S.

Parceque milord Tyrconnell m'a paru être embarrassé de ce qu'il croit qu'on aurait peut-être insinué à sa cour comme si le précis par écrit que j'ai fait donner au comte de Puebla, avait été préalablement concerté avec lui,293-1 et qu'il craint que sa cour ne lui en sache mauvais gré d'avoir fait la démarche de son propre chef, mais que je voudrais bien lui épargner un pareil chagrin, ma volonté est que vous devez prendre, le plus tôt le mieux, l'occasion de parler de l'affaire dudit précis au marquis de Puyzieulx et de charger moi seul de tout ce qu'on en trouvait mal; que j'avais fait cette démarche dans la meilleure intention du monde, afin de faire expliquer la cour de Vienne et de mener les choses à des négociations; mais que l'effet tout contraire qui en fut arrivé, m'avait appris que je n'avais pas assez connu mes gens, parcequ'au lieu de reconnaître les puretés de mes intentions, ils avaient mal usé de mes ouvertures et ne s'en étaient malicieusement servi que pour y jeter leur venin et pour inspirer de mauvaises idées à mes alliés sur mes desseins. Si j'en avais trop fait, je deviendrai plus prudent à l'avenir et me garderai bien de revenir à faire des ouvertures dont on ne pensait de faire autre usage que de préjudicier à moi et mes alliés. L'affaire est cependant finie, puisque la cour de Vienne n'y a fait aucune réponse.

Nach dem Concept.



292-1 Ueber die Absicht des Marquis de Puyzieulx, die Leitung der auswärtigen Angelegenheiten an Desalleurs abzugeben, aus Verstimmung über eine heftige Aeusserung König Ludwig's XV.; über die Abneigung des Grafen Saint-Séverin, an Puyzieulx' Platz zu treten; über des Königs durch Gewissensskrupel herbeigeführte Nachgiebigkeit gegen den Klerus in der Steuerfrage und über Intriguen der Geistlichkeit gegen die Marquise von Pompadour.

292-2 Vergl. S. 259.

293-1 Vergl. S. 283.