4956. AU CHAMBELLAN D'AMMON A PARIS.

Potsdam, 29 mai 1751.

Puisque je dois compter que la présente vous arrivera quand le baron Le Chambrier se sera mis en chemin pour venir me trouver à Wésel, et que mon intention est que pendant son absence vous devez me faire chaque jour de poste votre dépêche immédiatement, et sans envoyer des doubles au département des affaires étrangères, de ce qui se passe à vos lieux, je vous fais celle-ci pour vous dire que, le baron Le Chambrier m'ayant marqué à l'ordinaire dernier que le marquis de Puyzieulx, lui ayant parlé au sujet de l'affaire de l'élection d'un roi des Romains et de quelle manière il s'était expliqué au comte Albemarle<371> là-dessus, s'était exprimé à lui, Chambrier, d'une manière à le laisser penser qu'il espérait de plus en plus que ce qu'il lui avait toujours dit, aurait lieu, qui était que les cours de Londres et de Vienne n'oseraient pas brusquer l'élection qu'elles désiraient — ma volonté est que vous devez faire de ma part un compliment à M. de Puyzieulx de ce qu'il avait si bien conjecturé sur cette affaire-là, parceque, par un effet du langage ferme que la cour de France avait tenu depuis quelque temps sur cet article, les cours de Londres et de Vienne paraissaient effectivement avoir renoncé au dessein de brusquer cette élection, et que mes lettres de Vienne me remarquaient que le baron de Bartenstein s'en était expliqué depuis peu à quelqu'un de ses confidents que l'affaire de l'élection était principalement l'ouvrage du roi d'Angleterre, mais comme on rencontrait dans l'exécution actuellement trop de difficultés, on prendrait patience en attendant des circonstances plus favorables, persuadé d'ailleurs que, si le cas de vacance existait un jour, on ne pourrait pas jeter les yeux sur un autre candidat que sur un des Archiducs; qu'à la vérité le roi d'Angleterre avait insisté à Vienne qu'on gagnât les Princes dont les suffrages étaient indispensablement nécessaires et qu'on satisfît en conséquence l'Électeur palatin et la Saxe sur leurs prétentions, mais qu'à Vienne on ne connaissait point les premières, et qu'à l'égard de la Saxe on était persuadé que, les liquidations faites réciproquement, celle-ci resterait redevable. L'on ajoutait dans mes lettres que le susdit baron Bartenstein n'avait jamais voulu s'ouvrir sur moi à cette occasion, se renfermant en propos généraux que l'élection rencontrerait actuellement trop de difficulté.

J'ai reçu votre dépêche du 16 de ce mois au sujet des mémoires du sieur Francheville qu'on vous a envoyés. Bien que vous souhaitez qu'on vous eût marqué si l'on trouve lesdites observations fondées et jusqu'à quel point vous y puissiez adhérer, la chose est cependant impossible de mon côté, par le peu d'information que j'ai des circonstances qui regardent le commerce avec la France, ainsi que je me vois obligé d'abandonner tout cela à votre dextérité et savoir-faire et de vous renvoyer à vos instructions. En attendant, j'ai trouvé bon d'en consulter le banquier Splitgerber, pour avoir son avis sur les mémoires dudit sieur Francheville, de même que sur les remarques du sieur Trudaine que vous m'avez envoyées à la suite de votre dépêche du 16 d'avril. Comme le sieur Splitgerber m'a remis par écrit les observations qu'il a faites là-dessus, je vous les adresse ci-closes, afin qu'elles vous servent de direction dans votre commission, laissant le reste à votre pénétration et au zèle que j'ai reconnu depuis si longtemps de vous pour le bien de mon service et de mes intérêts, de façon que je suis persuadé que vous contribuerez de votre mieux à ce que le projet du traité que vous minuterez avec le sieur Trudaine, soit tout à-fait avantageux à moi et à mes sujets commerçants en France.

Federic.

Nach dem Concept.

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