4986. AU COMTE DE TYRCONNELL, MINISTRE DE FRANCE, A BERLIN.

Potsdam, 30 juin 1751.

Milord. Je vous suis sensiblement obligé de l'attention que vous m'avez marquée encore par la communication de l'extrait des dépêches qui viennent de vous être rendues par votre courrier. Je ne manquerai pas de faire le meilleur usage de la réponse de votre cour aux observations du margrave de Baireuth,390-2 tout comme de la lettre de M. de Puyzieulx concernant l'affaire du prince héréditaire de Darmstadt, dont je vous renvoie ci-joint l'original. Dès que la réponse de l'un et de l'autre de ces Princes me seront revenues, je vous en tiendrai un compte fidèle.

Quant aux affaires du Nord, il me semble que parmi tant d'autres raisons les anecdotes que je vous ai communiquées il y a quelques jours, doivent parfaitement justifier la méfiance et les soupçons que<391> votre cour garde contre les pratiques dangereuses du chancelier Bestushew, et je suis tout-à-fait persuadé que ni les machinations de celui-ci ni les ostentations guerrières de la Russie ne cesseront, quoiqu'on leur aura donné une autre tournure et une forme différente à celle dont on s'est servi jusqu'à présent.

Je me réserve de vous entretenir de bouche sur le reste, mais comme mes affaires ne sauront permettre que je vienne à Berlin qu'au vendredi391-1 de cette semaine, vous me ferez un plaisir particulier de venir me voir alors seul et sans être trop remarqué, dans cette chambre au château que vous connaissez et où j'ai eu déjà à différentes fois la satisfaction de m'entretenir confidemment avec vous; aussi, dès que je serai arrivé à Berlin, j'arrangerai ce qu'il faut afin que vous sachiez entrer à votre aise en cette chambre. Sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

P. S.

Comme je viens de recevoir dans ce moment une pièce que la cour de Russie envoie en Hollande pour la faire insérer telle quelle est dans les gazettes publiques, j'ai bien voulu vous en faire communications, par la copie ci-close que j'en ai fait tirer.

De la Haye, 30 juin 1751.

On apprend par les lettres de Pétersbourg du 12 de ce mois que, quoique le public y a fort goûté ce qui a été inséré391-2 dans la Suite des nouvelles d'Amsterdam du 25 mai, n° 42, sous l'article Hambourg, et dans le Supplément de la gazette de Leyde du même jour, touchant les intentions de la Russie par rapport aux affaires de la Suède depuis que la déclaration du nouveau Roi sur la conservation inaltérable de la présente forme du gouvernement a paru, on a cependant remarqué que ces gazettes n'accusent pas juste lorsqu'elles citent celles de Pétersbourg et qu'elles prétendent y avoir copié l'article qu'on vient d'alléguer. On s'est contenté d'ajouter à la Gazette de Pétersbourg n° 30 du 23 avril un supplément avec le détail de la maladie et de la mort du feu roi de Suède, accompagné de l'acte d'assurance de Sa Majesté Suédoise à présent régnante, sans y joindre aucunes réflexions. Et ce n'est que depuis peu que la cour de Russie a fait connaître ses sentiments relativement à la déclaration de Sa Majesté Suèdoise, par la note qu'elle a jugé à propos de faire remettre aux ministres étrangers qui résident auprès d'elle,391-3 et qui porte en substance que les soins salutaires de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et les représentations amiables qu'elle a fait faire depuis deux ans auprès de la cour de Suède, n'ont eu pour objet que le maintien constant de la tranquillité et de l'équilibre dans le Nord; que, le présent roi de Suède ayant à son avène<392>ment au trône tout de suite répondu aux vues pacifiques de l'Impératrice et à la pureté du zèle qui a animé Sa Majesté Impériale, moyennant la promesse que Sa Majesté Suédoise a renouvelée d'une façon si solennelle et dans les termes les plus précis de conserver en entier la forme de gouvernement telle qu'elle a été une fois établie, sans s'en écarter le moins du monde — Sa Majesté Impériale n'a pas voulu différer de faire part à ses alliés que cette promesse de Sa Majesté Suédoise, publiée à son avènement au trône, aussi bien que les assurances qu'elle a fait donner depuis de vouloir vivre avec Sa Majesté Impériale dans une bonne amitié et étroite confiance, suivant que les traités qui subsistent entre les deux couronnes l'exigent, la tranquillisent et la satisfont parfaitement; qu'ainsi Sa Majesté Impériale, qui a toujours souhaité et qui souhaitera toujours sincèrement d'entretenir une bonne amitié avec toutes les puissances, continuera de même à vivre avec le roi et la couronne de Suède dans l'ancienne bonne harmonie et étroite intelligence et qu'elle tâchera de l'affermir et de la cultiver de plus en plus; qu'au reste, on a été d'autant plus porté à communiquer ces sentiments de Sa Majesté Impériale à Messieurs les ministres qui ont l'honneur de résider auprès d'elle, parcequ'on a remarqué que certaines cours veulent à toute force se mêler des affaires des deux cours voisines et étroitement alliées et qu'elles ne néghgent rien pour donner aux intentions les plus droites de Sa Majesté Impériale une interprétation sinistre et conforme à leurs propres vues dangereuses. Quoique les alliés de Sa Majesté Impériale soient très convaincus du contraire, savoir que Sa Majesté Impériale n'a eu pour but, dans les mouvements qu'elle s'est donnés et dans les préparatifs qu'elle a faits depuis deux ans, que de maintenir la tranquillité et l'équilibre dans le Nord.

Nach der Ausfertigung im Archiv des Auswärtigen Ministeriums zu Paris. Die Beilage nach Abschrift der preussischen Cabinetskanzlei, ebendaselbst.



390-2 Vergl. S. 375. 393.

391-1 2. Juli.

391-2 Gleichlautend mit dem Artikel der Gazette de Cologne S. 383 Anm. 3.

391-3 Vergl. S. 387.