5177. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A FONTAINEBLEAU.

Potsdam, 6 novembre 1751.

Milord. J'accuse votre dépêche du 24 passé, qui m'est entrée heureusement. Comme l'affaire de Würtemberg511-3 se négocie directement entre le Duc et la cour de France, je n'y saurais employer que mes bons offices et abandonner, au reste, aux deux parties traitantes le soin de s'accommoder sur les points dont elles voudront convenir. Ce que j'appréhende en ceci, c'est, entre nous dit, que la France ne traîne encore cette affaire jusqu'à ce que la cour de Vienne en ait du vent et qu'elle escamote encore le Würtemberg à la France, comme elle a fait déjà tant d'autres. Ce qui ne doit être cependant que pour votre direction seule.

Les avis que j'ai de Vienne touchant la Bavière, ne sont guère édifiants. Vous savez que le ministre de Hollande, Burmania, a eu ordre de ses maîtres d'aller à Munich pour confirmer l'Électeur dans le parti des Puissances maritimes et pour tirer de lui des assurances plus positives qu'il n'avait données jusqu'ici à l'égard de sa voix électorale à donner en faveur de l'archiduc Joseph pour l'élection d'un roi des<512> Romains. Ce ministre a marqué de Munich qu'y ayant fini sa commission plus tôt qu'il n'avait cru, il en partirait incessamment pour Vienne. Cet avis ne me laisse guère douter que la cour de Vienne ne se soit raccrochée de nouveau cet Électeur et qu'en conséquence elle doit être assurée à présent de la majorité des voix dans le Collège Électoral, touchant l'élection d'un roi des Romains.

Vous vous expliquerez avec les ministres de France d'une manière pour ne point choquer la sensibilité de ces ministres, et leur représenterez convenablement la nécessité qu'il y avait pour m'informer de bonne heure de leur façon de penser à ce sujet et de s'expliquer d'une manière circonstanciée sur le parti que la [France] voudra prendre, quand le roi d'Angleterre, après son arrivée dans ses États d'Allemagne,512-1 voudra mettre sur le tapis l'affaire d'élection et soutenir à ce sujet la majorité des voix dans le Collège Électoral. Cette explication de la part des ministres de France me paraît presser, afin que nous puissions nous concerter de bonne heure et n'être point pris à l'impourvu là - dessus.

Il y a une autre circonstance encore sur laquelle il faut que je vous informe, bien que dans la dernière confidence; c'est que je viens d'apprendre par un très bon canal à Pétersbourg512-2 que la cour de Dresde, ayant été pressée des deux cours impériales sur son accession au traité de Pétersbourg, s'était à la fin déclarée d'y vouloir accéder d'une manière à peu près égale à celle dont l'Angleterre était accédée à ce traité, mais qu'elle avait demandé en même temps d'avoir deux déclarations de la part des deux cours impériales, savoir primo que, parceque la France et la Prusse, en y mêlant la Suède, voudraient, dans le cas que le trône de Pologne viendrait à vaquer, y placer un de leurs candidats, les deux cours impériales devraient s'engager de soutenir la famille électorale de Saxe à la succession du trône royal de Pologne; et qu'en second lieu, comme la Prusse continuerait d'insister sur la prérogative stipulée dans le traité de Dresde en faveur de ses sujets créanciers de la Steuer saxonne, et que la cour de Berlin pourrait bien, à la suite du temps, et dans le cas que la Saxe ne saurait satisfaire aux susdits créanciers, prétendre des sûretés réelles pour ses sujets créanciers, les deux cours impériales reconnaîtraient cet évènement pour un cas d'alliance et qu'elles s'opposeraient de toutes leurs forces contre les demandes de la Prusse à ce sujet, et qu'en particulier l'Impératrice-Reine fournirait alors un corps de troupes de 30 à 40,000 hommes, qu'elle ferait marcher de la Bohême contre la Prusse. L'on m'ajoute que, quoique le ministre de Saxe à Pétersbourg, le sieur Funcke, ne s'était point encore expliqué sur ces déclarations, attachées secrètement à son accession au traité de Pétersbourg, l'ambassadeur d'Autriche, le baron de Pretlack, en avait été averti, et qu'il en avait d'abord fait part au<513> chancelier de Russie, Bestushew, en lui déclarant que sa cour n'agréerait jamais ni l'une ni l'autre de ces deux déclarations et qu'il avait tâché, par toutes les insinuations possibles, d'en dissuader ledit Chancelier, en lui remontrant que, pourvu que la Russie tiendrait ferme à n'écouter point ces propositions, la cour de Dresde accèderait au traité de Pétersbourg sans cela.

Comme j'ai réfléchi sur tous ces avis, que j'ai de fort bonne main, il m'est venu la pensée que, parceque l'ambassadeur autrichien avait d'abord refusé tout à plat la proposition de la Saxe, et qu'il n'avait point voulu entendre parler d'une assurance à donner à la Saxe pour la succession au trône de Pologne, que, dis-je, la cour de Vienne pourrait bien avoir formé le projet de placer sur ce trône le prince Charles de Lorraine, et que son ministre, étant instruit de ce projet, avait voulu refuser d'abord à la Saxe cette garantie qu'elle voudrait demander. Il faut que je vous avoue encore que ce n'est point le susdit avis seul qui m'a fait venir la pensée, mais qu'il y a d'autres encore que j'ai reçus avant celui-ci sur ce sujet, entre lesquels il y a un que la cour de Dresde a voulu proposer à celle de Vienne un mariage à faire entre le prince Xavier et la seconde des archiduchesses de l'Impératrice-Reine, mais que la cour de Vienne n'avait non plus goûté la proposition.

Mon intention est que vous devez parler de tout ceci au marquis de Contest, de même qu'au marquis de Puyzieulx, et encore principalement, s'il se peut sans choquer les deux autres ministres, au comte de Saint-Séverin — ce que je laisse à votre pénétration — en les conjurant cependant et en prenant préalablement des promesses d'eux pour me vouloir garder un secret inviolable et absolu sur ceci, afin de savoir d'eux ce qu'ils en pensent. Vous leur direz que je me donnerai tous les soins imaginables, afin d'approfondir plus encore cette chose, afin de pénétrer si ledit projet existe véritablement ou s'il n'est fondé qu'en mes soupçons, et que je ne laisserai pas de communiquer fidèlement tout ce que j'apprendrai à ce sujet.

Du reste, je crois superflu de vous faire souvenir que ce n'est qu'à moi seul et immédiatement qu'il faut que vous adressiez votre réponse sur cette affaire, sans en toucher la moindre chose dans les relations que vous adresserez à mes ministres du département des affaires étrangères.

Federic.

Nach dem Concept.



511-3 Vergl. S. 469.

512-1 Vergl. S. 498,

512-2 Pretlack an Ulfeld, Petersburg 2. und 9. October 1751.