5250. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

[Berlin, 21 décembre 1751.]

J'ai bien reçu votre dépêche du 10 de ce mois. Il m'a été bien sensible et même douloureux d'apprendre l'indifférence avec laquelle le ministère de France regarde tout ce qui se trame par les cours de Vienne et de Londres contre la France, pour l'abaisser et pour lui faire perdre, selon le projet que le roi d'Angleterre s'est fait dès la paix d'Aix-la-Chapelle, toute son influence dans les grandes affaires de l'Europe, en lui étant tous ses amis et ses alliés, l'un après l'autre.

Songez s'il n'y a pas moyen de dessiller les yeux au susdit ministère et de lui donner du réveil, en lui faisant faire par manière de discours des réflexions sur les vues pernicieuses des deux cours susdites, et avec combien de chaleur et d'empressement elles travaillent à lui enlever ses alliés. Il n'y a qu'à leur citer l'exemple de ce que ses ennemis on fait relativement à l'Espagne et le roi de Sardaigne, et de leur dire que le plan est fait que, dès que le traité entre les cours de Vienne, de Madrid et de Turin sera constaté, on y invitera d'accéder le roi des Deux-Siciles, l'Empereur comme grand-duc de Toscane, la cour de Parme et la république de Venise. Ajoutez d'ailleurs que les deux cours impériales, à ce que je sais, sont occupées à Constantinople<569> pour aplanir tout ce qu'il se peut avoir de différends entre elles et la Porte Ottomane, afin d'avoir aussi les bras libres de ce côté-là, et faites réfléchir, s'il y a moyen, les ministres de France sur les suites dangereuses qu'il y a à craindre pour les intérêts de la France, si tout cela réussit au gré des cours de Vienne et de Londres. Qu'on ne vous objecte pas que, par une neutralité dans l'Italie, la France sera d'autant plus à même d'agir autant plus efficacement en Allemagne; la Reine-Impératrice n'en sera du tout embarrassée, vu qu'elle pourra retirer presque tout ce qu'elle a de troupes en Italie, et, appuyée d'ailleurs par l'argent de l'Angleterre, elle fera tout ce qu'elle voudra.

Au surplus, je vous recommande qu'en faisant toutes ces réflexions aux ministres de France, vous ménagiez vos termes en sorte que leur vanité n'en soit point choquée et que, s'il y a moyen d'entretenir séparément de tout ceci le comte de Saint-Severin, de ne point perdre l'occasion à le faire en termes convenables. J'attendrai à son temps le rapport que vous me ferez là-dessus.

Federic.

Nach dem Concept. Das Datum ergiebt der Bericht des Lord Marschall von Schottland, Paris 7. Januar 1752.