5264. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Berlin, 28 décembre 1751.

Milord. Quelque satisfaction que j'aie eue de voir par votre dépêche les sentiments où sont les ministres de France à mon égard, je suis cependant toujours fâché d'apprendre qu'il y ait de la jalousie et de la dissension entre eux, qui ne saura que de porter de grands préjudices à leur maître et à la cause commune. En attendant, vous payerez de compliments ceux qu'ils vous font à mon égard.

Quant à milord Tyrconnell,577-1 vous observerez que, s'il venait à être rappelé ou à avoir du congé pour longtemps, la grande affaire sera alors que le ministère de France choisisse et m'envoie alors quelque sujet auquel lui-même ait de la confiance et auquel j'en puisse prendre, moi, également. Sans cela les affaires et nos intérêts communs en souffriront, parceque, s'il leur mande des choses d'importance, ils ne lui en croiront pas : on ne recevra que fort tard les résolutions, de façon qu'il n'y aura nul concert et que tout ira en désarroi plus encore que jusqu'à présent.

L'évènement de ce que la France vient de manquer la Sardaigne, m'a fait venir la pensée s'il ne conviendra pas que vous fassiez à M.<578> de Contest, quoique d'une manière convenable et sans heurter à la vanité des ministres de France, un détail de tous les avis que j'ai donnés à la France, sur lesquels les ministres n'ont pas pris beaucoup d'attention et que cependant les événements ont justifiés, savoir des affaires du Nord et des projets que les deux cours impériales avaient formés pour en troubler la tranquillité; de l'affaire de l'élection d'un roi des Romains, des chipotages des cours de Vienne et de Londres avec celles de Madrid et de Turin, et d'autres encore dont les ministres de France ont hésité de m'ajouter foi et dont cependant ils ont vu, après, les succès. A présent, je les informe du projet de mettre sur le trône de la Pologne, quand il viendra à vaquer, le prince Charles de Lorraine. Peut-être qu'ils en doutent encore; je suis cependant persuadé que l'évènement les détrompera encore de leurs soupçons mal fondés, quoique peut-être trop tard alors. Ainsi tâchez d'en abuser M. de Saint-Contest et faites-lui comprendre que ce n'est du tout pour engager la France dans quelque nouvelle guerre que je lui donne cet avis, mais que c'est uniquement pour prendre ses mesures à temps, supposé que le cas arrive, et que le ministère de France fasse sonder au moins la Porte Ottomane de ce qu'il en peut espérer ou non, si mon avis se justifie. Il me semble qu'il n'y a rien là-dedans qui le puisse commettre avec Madame la Dauphine; tout au contraire, c'est à l'avantage de la maison électorale de la Saxe et pour prévenir ceux qui lui voudraient faire manquer cette succession.

Quant à l'abbé de Gua,578-1 je vous dirai que j'ai cependant entendu louer sa capacité pour nettoyer les ports et les rivières, c'est pourquoi je voudrais bien que vous l'entendiez sur ma proposition et écoutiez sur les conditions qu'il voudrait faire.

Federic.

Nach dem Concept.

<579>

577-1 Vergl. S. 475.

578-1 Vergl. S. 534.