<286>ments. Il paraît qu'Elle a voulu savoir ma façon de penser sur les affaires de Pologne, et j'accompagne cette lettre d'un mémoire où je m'explique avec la plus grande vérité. Je soumets mes idées aux lumières de Votre Majesté. Quant aux faits, Elle peut m'en croire, je n'ai rien déguisé et j'ai tout exposé à Ses yeux, persuadé qu'on ne doit rien avoir de caché pour ses alliés et qu'en aucun prince de l'Europe je ne puis mieux placer ma confiance qu'en Votre Majesté.

Le fond des affaires de Pologne s'est enfin éclairci à cette Diète, et les ministres d'Angleterre et de Russie y ont assez mal adroitement trahi leur secret, de sorte que ce qui ne pouvait être regardé par le passé que comme un soupçon bien fondé, paraît à présent en évidence au grand jour. Il n'y a que notre ferme union et notre bonne intelligence qui puisse faire évanouir les projets dangereux de nos ennemis, et Votre Majesté peut être persuadée que personne n'a plus d'attachement à Sa personne ni ne prend plus Sa gloire à cœur que je le fais, autant par inclination que pour le bien de l'Europe. Je suis avec la plus haute estime, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Mémoire sur les affaires de la Pologne.

Les deux cours impériales ont formé le projet de placer le prince Charles de Lorraine sur le trône de Pologne. Ce projet ne peut s'exécuter qu'à main armée: conviendrait-il à la France et à ses alliés de souffrir qu'on fasse cette violence à cette République? Nous répondrons que non. L'accroissement de puissance que la maison d'Autriche gagnerait par l'élection du prince Charles, serait si considérable qu'elle ferait pencher entièrement la balance des pouvoirs de son côté, et les conséquences qui s'ensuivraient seraient la perte de la Prusse, l'esclavage de l'Allemagne, et des guerres plus violentes que jamais la France n'en a eu à soutenir contre aucun des descendants de Charles-Quint.

La grande question est de savoir par quels moyens on empêchera un évènement aussi contraire aux intérêts communs des alliés. Choisir des moyens hasardeux, c'est trop risquer mal à propos; entreprendre des choses impossibles, c'est faciliter l'exécution des projets que nous voulons renverser; prendre le parti le plus solide et le plus sûr, est, ce semble, ce qui convient également à tous les alliés.

La première idée qui se présente, est de former un concert entre la France, la Prusse et la Suède, pour soutenir la Pologne contre tous ceux qui lui voudraient faire violence. En détaillant ce projet, il se trouve que la Prusse et la Suède se trouveraient chargées de tout le poids des opérations militaires, vu que les situations locales des États empêchent la France de frapper les grands coups.

Si nous comparons les forces des deux Impératrices avec celles des deux Rois, nous pouvons compter 280,000 combattants du côté des premières et 130,000 du côté des derniers. On répondra sans doute