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5752. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Rohd berichtet, Stockholm 19. Januar: „Hier le président de chancellerie m'ayant fait prier de passer chez lui, j'y trouvais l'ambassadeur de France, qui après quelques moments de conversation se retira pour me laisser seul avec lui. Alors le baron Hœpken, après un préambule sur la confiance qu'il avait en moi et sur le secret qu'il me demandait, débuta par me dire que la Russie venait de lâcher une proposition qui vérifiait assez comme quoi les craintes qu'on avait eues depuis quelque temps d'un certain concert tendant à saper le système présent de la Suède, devaient ne pas être sans fondement, puisque cette proposition prématurée de la Russie, faite ministérialement, semblait indiquer assez clairement ce qu'on en devait croire. La voici6#160;: La cour de Pétersbourg propose, m'a-t-il dit, jusqu'au renouvellement de son traité d'alliance défensive avec la Suède fait en 1745, et veut s'engager, si l'offre est reçue, premièrement d'accommoder l'affaire des limites en Finlande, de payer à la Suède les arrérages dus par ce même traité, enfin de rouvrir le commerce des grains en le remettant sur le pied où il a été ci-devant. Ce n'est pas, continua le Sénateur, que je sois embarrassé de la réponse qu'il faudra donner, car je ne vois pas quelle sûreté nous reviendrait par le renouvellement d'un traité dont on n'a pas voulu remplir les conditions; mais ce sont les autres circonstances et aboutissants qui doivent tenir nécessairement à cette proposition qui rendent l'affaire difficile, et que veut donc dire la Russie en offrant déjà de renouveler à l'heure qu'il est un traité qui ne doit expirer qu'en 1757? Monsieur, me dit-il, je vous prie de ne mander ceci qu'au Roi votre maître tout seul, en faisant mes soumissions à Sa Majesté; car ce que je viens de vous dire, est ignoré de tout le monde ici; aussi ne vous ai-je parlé comme au ministre d'un de nos alliés, puisque je n'en parlerai ni à l'Ambassadeur, ni à l'envoyé de Danemark,1 et je vous prie de n'en rien dire ici à âme qui vive. Je me suis adressé

Potsdam, 30 janvier 1753.

J'ai reçu vos rapports du 19 de ce mois, par lesquels j'ai appris avec plaisir la manière distinguée dont Sa Majesté Suédoise a bien voulu célébrer le jour de l'ordre de l'Aigle noir; aussi, pour satisfaire à ses souhaits par rapport aux statuts de cet ordre, j'ai ordonné qu'on vous adresse au plus un exemplaire de ces statuts pour le lui faire parvenir.

Quant à la confidence prétendue que le baron de Hœpken vous a faite touchant les propositions que la Russie doit avoir fait faire aux ministres de Suède par rapport à un nouvel traité à conclure, j'ai trouvé aussi peu d'apparence dans tout ceci, et ce que M. de Hœpken vous a dit à ce sujet, m'a paru si contradictoire que j'applaudis parfaitement à ce que vous remarquez là-dessus, en sorte que je suis tout-à-fait de votre avis que c'est un trait du ministère suédois égal à celui qu'il répandit au temps de de la dernière Diète, touchant les prétendus attentats des Russes en Finlande.2 Aussi m'en garderai-je bien d'en écrire un mot à la Reine, ma soeur, et mon intention est que, dès que le baron de Hœpken reviendra à la charge pour vous demander quelle réponse vous aviez eue, vous dissimulerez envers lui de vous plaindre de ce que vous aviez eu du chagrin en me mandant ceci et que je vous avais reproché vivement d'avoir donné si légèrement dans des choses contra-



1 Juel.

2 Vergl. S. 196.