<399> dessein que le prince Louis de Würtemberg médite de quitter la France. Mais comme sans cela je puis parfaitement tabler sur le canal par où mes avis à ce sujet sont dérivés, je veux bien vous dire à présent que la cour de Vienne a répondu aux propositions dudit Prince qu'on acceptait ses offres, ne doutant pas qu'il ne suivrait les traces de feu son père et qu'il ne ramènerait aussi son frère, le Duc régnant, sur la bonne voie. Que l'Impératrice-Reine était prête à lui conférer le grade de général major, tout comme il l'avait actuellement en France, qu'elle y joindrait un des trois régiments d'infanterie qui viendraient successivement à vaquer, vu qu'elle s'était déjà engagée pour les deux premiers qui vaqueraient; mais qu'on présumait que le Prince n'eût point de pension considérable de la France et qu'en conséquence ne prétendrait pas d'en avoir de l'Impératrice, puisque, selon le système présent de la cour de Vienne, l'on n'était du tout porté à accorder des pensions extraordinaires à qui que ce fût. Mon intime à Vienne remarque d'ailleurs que ladite cour prenait tant de soin pour envelopper le secret de cette chipoterie qu'elle venait de donner ses ordres à son ministre à Berlin, à qui elle avait confié cette réponse au Prince, qu'il ne devait absolument la lui faire parvenir par les voies directes, ni même par un courrier, mais qu'il la devait adresser au secrétaire d'ambassade, le sieur Mareschal à Paris, dès qu'il trouverait une occasion de le faire avec sûreté, pour que ledit sieur de Mareschal la fît rendre aux mains propres du Prince. Qu'après avoir eu la déclaration de celui-ci làdessus, il1 ne devait encore la point envoyer directement à Vienne, mais avec d'autres dépêches qu'il expédiait secrètement chaque semaine de Paris à Bruxelles, pour qu'on ne sût pas soupçonner même ce qui se négociait à cet égard.

Comme je trouve nécessaire que vous communiquiez tout ce que dessus à M. de Contest, vous vous en acquitterez le plus tôt que vous saurez, afin qu'il songe aux moyens les plus propres pour rompre indirectement le dessein du susdit Prince, vu les suites fâcheuses qui ne manqueraient d'arriver à l'égard du duc régnant de Würtemberg, si le Prince réalisait son dessein. Vous n'oublierez avec tout cela de conjurer M. de Contest sur le secret impénétrable qu'il me gardera de cette confidence; car je ne veux point vous cacher que je suis un peu en peine là-dessus par la raison de ce que je vous ai déjà marqué par une de mes dépêches antérieures au sujet du secret trahi sur ce que j'avais communiqué avec la France au sujet de certaines insinuations à faire à la Porte Ottomane,2 touchant l'évènement de la vacance future du trône de Pologne. Et comme je viens d'avoir de nouveaux avis de Vienne que la cour là est exactement informée de ce qui est passé là-dessus relativement à la Porte Ottomane, et qu'elle s'applaudit d'avoir su traverser toutes ces insinuations, vous pouvez bien insinuer à M. de



1 Mareschal.

2 Vergl. S. 381.