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voyage. Je lui ai fait croire que c'était une idée de ma tête pour tâcher de voir par mon frère si Votre Majesté voudrait l'écouter, et cela pour vous laisser une pleine liberté de faire comme il vous plaira, sans vous commettre en rien, parceque mon ami parlera avec franchise à mon frère, qui vous dira ce qui se passe; et, si Voire Majesté veut l'écouter lui-même, je La supplie de lui laisser toujours ignorer que vous saviez déjà par moi sa mission, pour qu'il ne se plaigne pas de moi. Il me paraît que le mécontentement en Angleterre est si grand à l'heure qu'il est que peu de chose renverserait le gouvernement; mais ce peu de chose n'est pas facile à ajuster. Un certain projet qu'il dira, me paraît chimérique; je crois même que, sans avoir gagné une partie des troupes, ce serait folie de rien entreprendre sans secours étranger. Le secours étranger, dont peu suffirait, ne peut jamais s'espérer, selon moi, que de quatre endroits, de Votre Majesté, de la Suède, de la France ou de l'Espagne. Votre Majesté n'a point de vaisseaux, cependant je ne crois pas cela le plus grand obstacle, le petit nombre qui suffirait pouvant se trouver sous divers prétextes de commerce. Mais je n'oserais conseiller à Votre Majesté de rien entreprendre sans être assurée d'être soutenue de la France contre les alliés du roi d'Angleterre. Je ne crois pas que la France y entrerait, la même difficulté se trouvant pour la Suède, la forme de son gouvernement l'en empêcherait et î'animosité des partis. Les Français sont regardés par le peuple en Angleterre comme ses ennemis naturels, et je doute que la France ait jamais voulu de bonne foi du bien à la maison de Stuart. Les Espagnols sont bien situés et leurs armements pour l'Amérique leur donnent de grandes facilités, mais leurs engagements avec les cours de Vienne et de Turin les gênent et les mettent hors de ieu à présent. Les deux principales personnes en Angleterre dans le secret, outre Dawkins, sont le docteur King, homme d'esprit, vif, agissant, et milord Westmoreland, homme sage, prudent, d'une bonne tête, bon citoyen, respecté et respectable, Vous pourrez toujours vous fier à leurs sentiments, comme ils se fieront aux

l'affaire de l'Ostfrise; aussi ai-je été charmé de la manière ferme avec laquelle M. de Saint-Contest s'est expliqué là-dessus et des fortes assurances qu'il vous a données de l'appui et de l'assistance de la France, si jamais la cour de Vienne ou celle de Dresde voulussent se prêter aux desseins du roi d'Angleterre de me dépouiller de l'Ostfrise. Vous en remercierez M. de Contest dans les termes les plus polis et les plus affectueux de ma part et lui ferez observer que je ne croyais pas que le roi d'Angleterre voudrait dans le moment présent rompre ouvertement, pour exécuter ses iniques desseins; mais qu'il saurait bien arriver, ou qu'il chercherait à faire valoir sa frivole prétention à l'occasion d'une guerre élevée pour d'autres sujets, et dans laquelle la France et moi serions mêlés, ou quand il croirait avoir toute la supériorité sur moi pour pouvoir, lui et ses alliés, m'attaquer impunément, sous prétexte de vouloir exécuter une sentence prononcée contre moi du Conseil Aulique à Vienne.

Au reste, mes lettres de Vienne continuent d'être assez intéressantes pour mériter de l'attention, et il est très vraisemblable que le changement que la Reine-Impératrice a fait dans son ministère, ne me sera guère favorable, ni à la France. L'on croit le comte de Kaunitz être chaudement dans les idées du roi d'Angleterre et fort imbu du système que la cour de Vienne fallait se lier étroitement avec les Puissances maritimes; aussi marquet-on que les ministres anglais, Keith et Williams, ne le quittent presque