5735. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Berlin, 13 janvier 1753.

J'ai reçu votre rapport du 2 de ce mois et vous suis obligé des informations que vous avez bien voulu me donner de ce que le baron de Hœpken et le sieur de Rudenschœld vous ont appris par rapport aux nouvelles qui leur sont arrivées relativement aux affaires de Turquie. Vous vous appliquerez avec soin de vous en instruire auprès de ces ministres, afin de m'en marquer tout ce que vous en apprendrez desdits ministres.

Au surplus, mes lettres de Copenhague continuent, de plus en plus, à me confirmer les soupçons qu'on a de la conduite présente de la cour de Danemark. Quoique je ne saurais me persuader encore que le Danemark voulût tout de bon rompre en visière avec la Suède, néanmoins il y a des choses, dans les préparatifs que la cour de Danemark fait faire dans son militaire, qui me paraissent mériter quelque attention sur les desseins de cette cour. Si j'ose me fier tout-à-fait à ces lettres, le baron de Bernstorff, en cachant au possible ses vues, fait aujourd'hui tout ce qu'il veut, bien qu'avec de certains ménagements envers le comte de Moltke; qu'il colore les apprêts de guerre en Seelande comme une suite de la démarche faite en Holstein;309-1 qu'en attendant, les conférences longues et secrètes entre lui et le ministre autrichien allaient leur grand train; que les soupçons se confirmaient qu'il y avait une relation secrète entre le sieur de Bernstorff et entre les cours de Vienne, de Londres et de Russie, et qu'il y avait bien de l'apparence que le ministre préparait des évènements pour renverser le système de sa cour, qu'il y ferait servir l'affaire de Landskrona309-2 et que l'on méditait de surprendre la Suède ou bien que le nouveau ministre309-3 qui devait s'y<310> rendre le mois prochain, serait chargé de renouveler les instances de ses prédécesseurs; qu'on croyait donner du poids par les démonstrations guerrières et qu'on engagerait même les cours impériales à appuyer cette négociation. Que pour preuve qu'on ne perdait cette vue, le roi de Danemark venait de rappeler un nommé Gehler, un de ses sujets qui avait jusqu'ici servi en France et qui passait pour grand ingénieur; que cet homme était occupé depuis qu'il était arrivé, et qu'on jugeait ou qu'il s'agissait de construire des ouvrages sur les côtes de Seelande, ou bien pour exécuter une entreprise sur Landskrona, et qu'au surplus on avait envoyé ordre d'éprouver l'artillerie et de mettre toutes choses en état de pouvoir servir en campagne; enfin qu'on devait tout attendre de suites d'un ministre dont les projets n'aboutissaient assurément qu'à mettre de la confusion partout et à parvenir par ce moyen à se lier étroitement avec le parti opposé.

Bien que je suspende encore mon jugement sur tout ceci et que je ne saurais me persuader que le roi de Danemark voudrait à la Suède jusqu'à rompre ouvertement avec elle, je crois cependant que les circonstances ci-dessus alléguées méritent de l'attention. C'est pourquoi vous devez les communiquer convenablement et sans qu'il paraisse que je voudrais sonner le tocsin, au baron de Hœpken, tout comme au sieur de Rudenschceld, en leur insinuant que ces particularités méritassent bien à y faire réflexion et que, quant à moi, en bon allié, ami et parent de Leurs Majestés Suédoises, je souhaiterais qu'on prît des mesures pour ne point pouvoir être surpris; que la Suède par les bons arrangements qu'on opposerait à de susdits desseins, n'avait, selon moi, rien à craindre d'une guerre ouverte des Danois, au lieu que, si l'on ne prît des arrangements contre ce dessein, il saurait arriver qu'on l'exécutât contre Landskrona en faisant démolir ses ouvrages, et que la Suède ne serait que pour sa courte honte.

Federic.

Nach dem Concept.



309-1 Vergl. S. 267.

309-2 Vergl. S. 301.

309-3 Wedell-Friis.