5744. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

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Rohd berichtet, Stockholm 5. Januar: „L'état d'indécision où est l'affaire des capitaines et où probablement elle restera jusqu'à la première Diète, étant d'une nature à fournir alors de quoi mettre les deux partis en mouvement, j'ai fait envisager à la Reine qu'elle ne pouvait pas manquer d'être orageuse, si les choses demeuraient sur le pied où elles sont présentement, et Sa Majesté en convint sans difficulté. Ce qui m'ayant fourni l'occasion de lui faire sentir la nécessité de conjurer l'orage et de lui demander si elle n'avait point songé encore à faire un plan pour cela, la Reine me répondit que son plan n'allait pas plus loin à l'heure qu'il est qu'à ce qu'elle allait me dire, mais sous le sceau du plus grand secret: Qu'il était certain d'un côté que les affaires du dedans pourraient faire rentrer les deux partis dans une grande fermentation à la prochaine assemblée des Etats; que l'évènement en serait problématique; que l'autorité royale pourrait bien en recevoir quelque échec encore, mais que celle du. Sénat courrait le même risque, d'où il pourrait arriver que l'un ou l'autre des deux partis fût écrasé. Que de l'autre côté le Sénat n'était pas sans embarras, aussi, et que le dernier mémoire du Roi sur les affaires de Finlande leur donnait assez à penser; que tout cela bien considéré, elle venait de charger le comte de Lieven de mettre tout ce tableau adroitement devant les yeux à quelques-uns des sénateurs, nommément au baron Hœpken, au comte d'Ekeblad et au baron Scheffer, afin de les convaincre

Berlin, 20 janvier 1753.

Vos dépêches du 5 et du 9 de ce mois m'ont été bien rendues. J'applaudis parfaitement à ce que vous avez tâché d'adoucir par vos sages remontrances la Reine, ma sœur, sur le plan qu'elle s'était formé pour faire faire par le comte de Lieven ces insinuations au Sénat dont elle a bien voulu me faire confidence par vous. Si j'ose le dire, il me paraît qu'il entre un peu trop de vivacité dans ses démarches, et qu'il faudrait tout au contraire que dans les circonstances présentes des affaires la cour de Suède se contentât de ce que la forme établie du gouvernement de Suède lui laissait d'autorité, sans vouloir prétendre à présent à aucune augmentation de l'autorité du Roi, et qu'on manquera absolument son but en s'adressant au Sénat pour avoir son consentement à quelque augmentation d'autorité royale. Je pense d'ailleurs que le ministre de France ne voudrait point se charger de faire des tentatives à ce sujet auprès du Sénat, vu que ce serait fort difficilement que la cour de France voudrait

de l'impossibilité qu'il y avait que les affaires pussent être de durée sur ce piedlà, et de leur faire sentir en même temps qu'il y avait un moyen de prévenir la tempête en ajoutant à l'autorité du Roi ce que lui était dû et ce que le bien des affaires exigeait suivant qu'on en pourrait convenir, et qu'au moyen de cela on leur ferait à eux un pont d'or. La Reine ajouta qu'elle voyait bien qu'il fallait tâcher de diviser le Sénat et que le crédit et l'adresse de ceux qu'elle venait de nommer, suffiraient pour réussir. J'ai cru devoir faire remarquer à la Reine que ces propos dans la bouche du comte Lieven feraient voir clair à ces Messieurs de quelle source ils partaient et que de là il était à craindre par l'expérience du passé qu'on ne s'en servît pour noircir la cour, en lui prêtant des projets qu'elle n'avait pourtant pas; mais que pareilles insinuations dans la bouche du ministre de France feraient tout un autre effet. La Reine entra d'abord dans ce sentiment et me chargea d'en écrire à Votre Majesté pour en savoir Sa pensée et s'il y aurait moyen d'y amener la cour de Versailles. J'en prévois bien la difficulté, mais j'ai au moins par là ralenti l'esprit de la Reine pour sa première idée, afin qu'elle aille d'autant plus bride en main et pour gagner aussi du temps pour pouvoir connaître les intentions de Votre Majesté à ce sujet-là. La Reine a voulu expressément que cette dépêche fût chiffrée de ma main propre.“

contribuer dans la situation présente des affaires à quelque changement de la forme du gouvernement, après que la dernière cour s'est déjà déclarée qu'elle ne se mêlerait pas des affaires intérieures de la Suède, pour ne pas retomber dans ces inconvénients d'où elle et moi avions eu bien de la peine de tirer la Suède. Enfin, tout considéré, je suis du sentiment qu'il faudrait de toute nécessité que la cour de Suède temporisât et attendît des conjonctures plus favorables, pour ne point se jeter dans des embarras sans fin; que ce serait une fausse démarche que de se précipiter et de trahir par là elle-même ses desseins secrets, et cela même sans d'autre effet que de s'aliéner entièrement le Sénat et d'aigrir la Russie, qui, dès qu'elle en serait informée, ne laisserait que de causer les mêmes alarmes qu'ils ont pensé d'accabler la Suède. Qu'au surplus l'on ne saurait point compter sur le Danemark, dont la conduite paraissait bien équivoque, et, enfin, qu'il serait d'une nécessité indispensable que la cour de Suède cachât mieux ses desseins, qu'elle ne risquât rien mal à propos, ni s'exposât à avoir le dessous à la Diète future, ce qui ne lui serait du tout avantageux, ni ne ferait honneur à sa conduite.

Federic.

Nach dem Concept.