5804. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

[Potsdam], 10 [mars 1753].

Ma très chère Sœur. J'ai été très mortifié d'apprendre que vous souffrez toujours; j'espère dans la belle saison, dans les eaux d'Égra, dans l'exercice et surtout en votre tempérament : veuille la nature bienfaisante vous donner une santé plus stable! Qui la mérite mieux que vous, ma chère sœur, et qui devrait être immortelle si ce n'est vous? L'éloignement est bon à quelque chose, les cinquante lieues qu'il y a entre ici et Baireuth me font paraître raisonnable à vos yeux : j'ose vous assurer, ma chère sœur, que vous vous trompez beaucoup et, marque de cela, je vous envoie une brochure365-3 qui vous en convaincra; elle sera encore suivie de deux autres, et je crains qu'à la dernière vous ne m'assigniez les petites maisons pour demeure.

Je ne m'étonne pas du voyage du duc de Würtemberg, je crois qu'il se divertira fort bien en Italie, et je suis d'avis que, quand oh peut se procurer quelque moment de plaisir, sans faire tort à personne, il ne faut pas le négliger; un certain voyage de Strasbourg365-4 n'était<366> guère plus sage, et quand je récapitule ma vie, je n'y vois qu'un enchaînement de sottises. La parfaite raison n'est pas faite pour nous, la sensibilité est notre partage; tous les instants heureux que nous nous procurons, sont comme autant de fruits que nous arrachons d'un arbre défendu par un monstre jaloux. Oubliez, ma chère sœur, vos malheurs domestiques,366-1 étourdissez-vous sur ce qui n'est pas en votre pouvoir de changer, soyez persuadée que je vous assisterai de ce qui dépendra de moi et que je ne cesserai d'être avec la plus haute estime et la plus parfaite tendresse, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung im König!. Hausarchiv zu Berlin. Eigenhändig.



365-3 „Lettre au public“ , Œuvres de Frédéric le Grand, XV, 67.

365-4 1740. Vergl. Œuvres de Frédéric le Grand, XIV, 156.

366-1 Vergl. S. 335.