5899. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

[Potsdam], 22 mai 1753.

Je vous suis très obligé, Milord, de toutes les peines que vous vous donnez pour mettre fin à des tracasseries qui n'ont pas laissé que<431> de me causer beaucoup de désagrement;431-1 vous vous donnez des soins pour des affaires qui ne sont pas de votre ressort et où l'amitié seule agit pour moi. Je vous assure que je vous en ai d'autant plus d'obligation et que je tâcherai de me revancher, quand l'occasion s'en présentera. C'est bien dommage que messieurs les beaux esprits aient la cervelle si mal timbrée; on leur pardonnerait leurs querelles littéraires, mais les tours de fourberie et de friponnerie sont trop forts et ne doivent pas s'en mêler.

Les affaires de vos parlements font ici un bruit étonnant. Pour moi, qui en qualité d'hérétique et de philosophe ne me sens aucun penchant pour les prêtres, je souhaiterais fort qu'on leur rabattît leur caquet et qu'on humiliât cet air de fierté et cette vanité avec laquelle ils veulent établir le despotisme de l'Inquisition en France. Mais je parle de ces choses comme le public, et il faut être derrière le rideau pour savoir les raisons qui obligent la cour de protéger si fort la mitraille. Pour moi, je crois que chacun doit mieux entendre ses propres intérêts que son voisin, et qu'ainsi tout ce que l'on fait, est bien fait. Les Saxons on fait provision de 12,000 livres de chocolat pour leur camp et de 20,000 livres de sucre; je crois que, si le Grand-Mogol faisait camper tous les perroquets mogolais, il ne lui faudrait pas d'autres vivres pour cette armée volatile. Mais basta! laissons faire en repos leurs sottises aux autres, pourvu qu'on nous laisse faire les nôtres. Adieu, mon cher Milord, je vous embrasse de tout mon cœur.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



431-1 Vergl. S. 426.