5923. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Potsdam, 16 juin 1753.

J'ai reçu à la fois les rapports que vous m'avez faits du 25 et du 29 du mois de mai dernier. Je ne comprends pas à quel juste titre les ministres anglais savent envisager l'arrêt mis sur le reste de la dette de Silésie comme une insulte faite à la nation anglaise et par conséquent comme une démarche qu'elle ne saurait souffrir, quand ils ont refusé d'administrer justice à mes sujets contre les armateurs anglais qui les ont dépouillés de leur bien sans raison et contre tout droit et équité; il me paraît plutôt que tout le monde raisonnable et impartial caractérisera plutôt une pareille démarche d'insulte faite à la nation prussienne. D'ailleurs, quelle injustice ou quelle insulte fais-je à la nation anglaise, quand je fais arrêter, pour faire avoir justice à mes sujets, un argent que sans cela je suis prêt à payer à tout moment?

Au surplus, si le roi d'Angleterre chipote avec ses alliés pour savoir jusqu'où il saurait compter sur eux en cas que ces différends eussent des suites, je veux bien vous dire, quoique pour votre direction seule, que les Turcs avec les Tartares font des mouvements contre la Russie du côté de l'Ukraine russienne et qu'il en saurait arriver une rupture ouverte entre la Porte et la Russie, et que, de plus, la cour de<448> Vienne ne s'occupe encore que de ses arrangements intérieurs et ne voudrait pas aisément s'en distraire pour entrer en guerre, à laquelle elle n'est pas encore tout-à-fait arrangée, ainsi que le roi d'Angleterre ne saurait pas entièrement espérer du côté de ces deux alliés.

Federic.

P. S.

Potsdam, 17 juin 1753.

C'est pour vous répondre encore sur votre dépêche du 1er de ce mois que je viens de recevoir, que je vous dirai que je ne suis nullement en appréhension des menaces que les ministres anglais font à l'occasion des différends en question; que, s'ils veulent commencer une guerre contre moi à raison d'un argent de 150,000 écus qu'ils refusent de payer à mes sujets, il sera clair et constaté devant tout le public que ce serait la guerre la plus injuste qu'il en fût jamais; que je me repose sur la droiture de ma cause; qu'à la vérité le roi d'Angleterre me pourrait faire beaucoup de mal, mais qu'à mon tour je pourrais lui rendre le pareil et lui en faire, aussi, beaucoup, par des moyens que peut-être il ignore et ne croit pas encore. Aussi, quand ces gens-là voudront pousser à l'extrémité l'affaire, je ne prétends de vous sinon que vous m'en avertissiez de bonne heure et à temps de pouvoir me régler là-dessus. En attendant, je vous défends absolument de parler de tout ce que dessus à qui que ce soit, et vous ordonne de vous tenir plutôt tout boutonné là-dessus, parcequ'il m'importe que ces gens ne pénètrent le dessous de mes cartes ni ne sachent ce que, le cas existant, je voudrais faire.

Nach dem Concept.