<240> qui avait acquis, par la paix de Westphalie, des provinces qui lui donnaient des sujets catholiques, ne les persécuta point; il permit même à quelques familles juives de s'établir dans ses États, et leur accorda des synagogues.

Frédéric Ier fit quelquefois fermer les églises catholiques, par représailles des persécutions que l'Électeur palatin fit souffrir à ses sujets protestants; mais le libre exercice de religion fut toujours rendu aux catholiques. Les réformés essayèrent de persécuter les luthériens dans le Brandebourg; ils profitèrent des dispositions où le Roi était en leur faveur, pour établir des prêtres réformés dans des villages où il y en avait eu de luthériens; ce qui prouve bien que la religion ne détruit pas les passions dans les hommes, et que les gens d'Église, de quelque opinion qu'ils soient, sont toujours prêts à opprimer leurs adversaires, quand ils se croient les plus forts.

Il est honteux à l'esprit humain d'avouer qu'au commencement d'un siècle aussi éclairé que l'est le XVIIIe, toutes sortes de superstitions ridicules se soient encore conservées; les gens raisonnables, comme les esprits faibles, croyaient encore aux revenants. Je ne sais quelle tradition populaire portait qu'un spectre blanc se faisait voir à Berlin toutes les fois qu'un prince de la maison devait mourir : le feu roi fit saisir et punir un malheureux qui avait joué le revenant; les esprits, rebutés d'une aussi mauvaise réception, ne se montrèrent plus, et le public fut désabusé.

En 1708, une femme, qui avait le malheur d'être vieille, fut brûlée comme sorcière.a Ces suites barbares de l'ignorance affectèrent vivement Thomasius, savant professeur de Halle; il couvrit de ridicule les juges et les procès de sorcellerie; il tint des conférences publiques sur les causes physiques et naturelles des choses, et déclama si fort,


a On ne peut établir sur aucun témoignage authentique qu'une sorcière ait été brûlée en 1708; de plus, Thomasius commença déjà en 1701 sa polémique contre les procès de sorcellerie, qui furent restreints, en Prusse, par la sage ordonnance du 13 décembre 1714.