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STANCES A VOLTAIRE.

Hony, marchand de vin de Bruxelles, vint à Wésel, et porta à l'Auteur une Épître en vers de Voltaire.80-a L'Auteur avait alors dessein de voyager en Flandre, et il n'en fut empêché que par la fièvre quarte.

De votre passe-port muni,
Et d'un certain petit mémoire,80-a
S'en vint ici le sieur Hony,
Qui s'applaudissait de sa gloire.

Ah! dis-je, apôtre de Bacchus,
Ayez pitié de ma misère;
De votre vin je ne bois plus,
J'ai la fièvre, c'est chose claire.

Apollon, qui me fit ces vers,
Est dieu, dit-il, de médecine :
Écoutez leurs charmants concerts,
Éprouvez leur force divine.

<81>Je lus vos vers, je les relus,
Mon âme en fut plus que ravie;
Je fus guéri, du moins je crus
Que ces vers me rendaient la vie.

Et le plaisir et la santé
Que vous eûtes l'art de me rendre,
Et force curiosité,
D'un saut m'emportèrent en Flandre.

Enfin, je verrai dans huit jours
Le généreux rival d'Homère;81-a
Et quittant la morgue des cours,
Je pourrai vivre avec Voltaire.

Partez, Hony, mon précurseur,
Muni de ce nouveau diplôme :
L'intérêt est votre moteur,
Le mien, c'est de voir un grand homme.

Faites à Wésel (5 septembre) 1740.


80-a Voyez Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 515.

81-a Voyez t. VIII, p. 54-56, t. X, p. 75 et 255, et ci-dessus, p. 34 et 58.