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ÉPITRE A MA SŒUR DE BRUNSWIC. QU'IL EST DES PLAISIRS POUR TOUT AGE.

Dans le monde, ma sœur, tout ce qui naît périt;
Une éternelle loi tour à tour y proscrit
Ces générations qui constamment renaissent,
Et sous la main du temps aussitôt disparaissent.
Si la rapidité d'un si prompt mouvement
Ne se fait pas pour nous sentir à tout moment,
C'est qu'on fait chaque jour une perte insensible,
Que chaque homme, entraîné par quelque soin pénible,
Ou rempli d'un dessein dont l'espoir le séduit,
Laisse échapper le temps, qui loin de nous s'enfuit.
Mais à peine le cours de deux lustres s'achève,
Que nos jours écoulés paraissent moins qu'un rêve;
Quand l'âge irrévocable a sillonné nos fronts,
Alors nos yeux surpris découvrent ses affronts.
Comment a disparu le feu de ma jeunesse,
De mes sens enchantés l'impétueuse ivresse,
Ce fonds inépuisable et fertile en désirs,
Ces ailes pour voler de plaisirs en plaisirs?
J'existe, et cependant je ne suis plus le même.
O vérité cruelle, humiliant problème,