<116>Reprit-on; sans la guerre il ne tient plus à rien;
Voilà l'occasion, il pourra reparaître.
- Il est mort. - Ce matin j'en reçus une lettre.
- Non, il est mort, vous dis-je; un gros marchand forain,
Revenu de Brunswic, fut présent à sa fin.
- Mais ce marchand, monsieur, est mal instruit sans doute.
- Eh quoi! faut-il douter de tout ce qu'on écoute?
- C'est qu'aucun mort jamais du tombeau n'écrivit,
Qu'un marchand n'a d'objet que celui du crédit,
Et qu'on se voit moqué quand on est trop crédule.
- Non, répliqua Damon, je suis né sans scrupule;
Je crois tout bonnement : comment examiner,
Vétiller les propos, sans succès me peiner,
L'esprit toujours tendu, peser dans ma balance
La vérité dans l'un, en l'autre l'apparence?
Non, j'y vais rondement, je crois tout ce qu'on dit;
Journal, folliculaire, imprimé, manuscrit,
Miracles, s'il le faut, rien ne m'est indigeste;
Je figure, il suffit, que m'importe le reste?
- Mais, monsieur... - Mais, monsieur...- Mais la Lippe est vivant.
- Que m'importe qu'il vive ou soit agonisant?
Voilà comme on entend raisonner le vulgaire.
Diderot prévenu croit tout homme un Voltaire,
Il se porte avec zèle à vouloir l'éclairer;
Il y perdra ses soins, sans le régénérer.
Mais vous, mes chers amis, qui, dévorés de gloire,
Voulez tracer vos noms au temple de Mémoire,
Hélas! examinez le public en détail,
Stupide, ignorant, sot, méprisable bétail.
C'est là l'organe impur de votre renommée,