<128>Votre mentor vous a dans la jeunesse
Souvent parlé du puissant roi Crésus,
Nageant dans l'or, plongé dans la mollesse,
Et d'un manant, nommé le pauvre Irus.
L'orgueil du Roi se fondait sur Plutus,
Il s'égalait aux dieux par sa richesse,
Quand tout à coup le conquérant Cyrus
Dans des combats détruisit son armée.
L'âme du Roi, de douleur abîmée,
Ne sentait plus qu'horreur, que désespoir,
Tandis qu'Irus, insensible et tranquille,
Vit l'ennemi s'emparer de la ville,
Voler, piller, brûler, sans s'émouvoir.
La pauvreté, qui nous met hors d'atteinte,
Nous met encore à l'abri de la crainte;
Sans bien, on a l'esprit toujours égal,
Tandis qu'on voit ces grands, ces âmes vaines,
Se consumer en d'inutiles peines,
Pour se soustraire à leur destin fatal.
Loin des chagrins qui rongent ces illustres,
Vous avez su, pour avoir mieux choisi,
Sur votre chef rassembler seize lustres,
Vivant toujours joyeux et sans souci.
Ne changez donc jamais de conduite,
Dépensez tout, soyez bon parasite,
Et vous vivrez satisfait et content,
Toujours heureux et toujours jouissant
Des biens qu'enfin vous laissa la fortune.
Lorsque vos yeux sont chargés de pavots,
Un rêve affreux, d'une image importune,
Ne troublera jamais votre repos.