<154>Le souverain des dieux, de ses mains libérales,
Verse sur les humains, de deux urnes égales,
Et les biens et les maux;
Tandis que la nature en tout lieu répandue
Fait naître en même temps la casse et la ciguë,
Le cèdre et les roseaux.

Ce mélange constant de faveurs, de disgrâces.
Dans les fastes du monde éternise les traces
De nos destins cruels.
Le bonheur toujours pur, avantage trop rare.
Se dérobant à nous, se garde et se prépare
Pour les dieux immortels.

Au courage obstiné la résistance cède,
Un noble désespoir est l'unique remède
Aux maux désespérés;
Le temps met fin à tout, rien n'est longtemps extrême,
Et souvent le malheur devient la source même
Des biens tant désirés.

Les aquilons mutins d'un ormeau qu'on néglige
Par leurs fougueux assauts font incliner la tige,
Qui cède pour un temps;
Mais de la molle arène et du niveau de l'herbe
Il se lève, et dans peu de sa tête superbe
Il ombrage les champs.

Dans les bras d'Amphitrite, où son éclat expire,
Le soleil de la terre abandonne l'empire
Aux ombres de la nuit;