<181>J'éprouve en ma douleur profonde
Plus de maux dans cet univers
Que, dans les fictions de la Fable féconde,
N'en a jamais souffert Prométhée aux enfers.
Ainsi, pour terminer mes peines,
Comme ces malheureux, au fond de leurs cachots,
Las d'un destin barbare, et trompant leurs bourreaux,
D'un noble effort brisent leurs chaînes,
Sans m'embarrasser des moyens,
Je romps les funestes liens
Dont la subtile et fine trame
A ce corps rongé de chagrins
Trop longtemps attacha mon âme.
Adieu, d'Argens; dans ce tableau
De mon trépas tu vois la cause.
Au moins ne pense pas du néant du caveau
Que j'aspire à l'apothéose.
Tout ce que l'amitié en ces vers te propose,
C'est qu'autant qu'ici-bas le céleste flambeau
Éclairera tes jours tandis que je repose,
Que, lorsque le printemps paraissant de nouveau
De son sein abondant t'offre les fleurs écloses,
Chaque fois d'un bouquet de myrtes et de roses
Tu daignes parer mon tombeau.